C'est avec un souci d'équité que la Ville de Montréal a choisi de répartir les futurs centres de traitement de déchets organiques sur son territoire. Elle entend ainsi construire quatre usines dans quatre secteurs - dans le Nord, dans le Sud, dans l'Est et dans l'Ouest - afin que chacun ait la responsabilité de ce qu'il génère.

Fort bien. Mais le problème, c'est que la Ville a l'équité très sélective...

L'objectif, d'ici 2016, est de doter l'île de deux usines de biométhanisation et de deux centres de compostage: à Montréal-Est (Demix), à LaSalle (Solutia), à Saint-Michel (Miron) et dans un endroit à déterminer de l'ouest de l'île (Aéroports de Montréal a refusé qu'on utilise un de ses terrains).

En respectant ainsi les quatre points cardinaux, la Ville honore certes une stricte équité territoriale... mais elle en oublie toute équité sociale. Elle évoque le besoin de partager le fardeau entre les communautés de l'île... mais elle évacue toute contribution passée de ces mêmes communautés.

S'il y a en effet un quartier qui a déjà donné, un secteur qui a fait sa part pour les matières résiduelles, c'est bien Saint-Michel. Or on ne peut à la fois regarder l'avenir avec un souci d'équité et oublier celui que nous impose le passé...

On a en effet utilisé ce quartier comme dépotoir pendant 40 ans, on a permis à des millions de camions d'y circuler, on y a déchargé des dizaines de millions de tonnes de déchets. Et on a ainsi imposé des millions de tonnes de nuisances aux résidents vivant à proximité de cette ancienne carrière.

Puis on a mis fin à l'enfouissement. On a attiré la TOHU et le Cirque du Soleil. On a lancé une réflexion sur le devenir de la rue Jarry que l'on souhaite densifier. Et on a promis aux riverains un magnifique parc pour le 375e de Montréal dont le maire est si fier qu'il en a fait la principale vitrine de la métropole à l'étranger.

Et aujourd'hui, à ces mêmes gens, on annonce que le secteur perdra son affectation de «grand espace vert» pour celui de «secteur d'emploi» ... et de traitement des déchets!

Certes, la Ville se fait rassurante, répète que le bâtiment sera hermétique, que le nombre de camions qui circule sera raisonnable et que l'usine ne grugera pas le parc. L'Office de consultation publique renchérit avec une liste de conditions «très strictes» relatives au bruit et aux odeurs. Mais ce genre de promesses, les résidents en ont trop entendu pour s'y fier.

Le syndrome «pas dans ma cour» ? Plutôt le syndrome «la cour est pleine», comme l'a noté une participante des audiences publiques.

Vrai qu'il est urgent de s'attaquer aux déchets organiques. Vrai aussi qu'il est difficile de trouver un site pouvant accueillir une telle usine. Mais tant qu'à se lancer à la recherche d'un nouveau site dans l'Ouest, tant qu'à organiser une nouvelle consultation publique, pourquoi ne pas en profiter pour revoir le choix du Nord?

Car pour l'instant, s'il y a équité, elle est à géométrie variable.

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