Les membres de l'Évaluation environnementale stratégique (EES) sur le gaz de schiste ont dévoilé leur plan de travail pour les deux prochaines années. Deux courtes années pendant lesquelles ils devront travailler d'arrache-pied pour combler l'immense déficit de connaissances scientifiques qui mine cette filière controversée.

Déjà, la méfiance s'est installée. On accuse l'EES d'être noyautée par les partisans du gaz de schiste, de ne pas avoir la latitude pour aller au fond des choses, des critiques qui se défendent à la lumière des incidents et révélations qui ont entaché à la fois l'industrie et le gouvernement.

Mais entre scepticisme et dénigrement, il y a un pas que l'on ne doit pas franchir, pour l'instant.

On peut certes avoir des réserves, s'offusquer de tel ou tel détail du processus, mais laissons néanmoins la chance au coureur, comme on l'a fait pour le BAPE. Surtout que trois éléments précisés vendredi sont plutôt de bon augure.

D'abord, le mandat de l'EES est interprété de manière large. Les membres examineront la réglementation, ici et ailleurs, et évalueront l'ensemble des enjeux environnementaux, sociaux et économiques. Mais surtout, ils établiront la «pertinence socio-économique» d'exploiter les shales, ou pas.

Certains opposants souhaitent que le comité aille plus loin, qu'il établisse la pertinence de ce développement en comparaison avec d'autres filières plus propres. Une très bonne idée... à laquelle le comité s'est en quelque sorte rallié en s'engageant à tenir compte «du contexte plus général de l'insertion de la filière gazière au sein de la politique énergétique québécoise».

Ensuite, les travaux de l'EES permettront la dissidence. Il est malheureux que six des onze membres du comité soient liés, de près ou de loin, au gouvernement et à l'industrie. Mais il est néanmoins rassurant de savoir qu'il pourra y avoir des voix discordantes. Travaillant par consensus, les membres pourront en effet inscrire leurs réserves au rapport final ou, mieux, rédiger un rapport minoritaire au besoin.

Enfin, la population sera dans le coup. Certes, on reproche à l'Évaluation stratégique d'avoir exclu les citoyens des travaux. Mais l'EES n'est pas un lieu de débat public, plutôt un comité d'experts... qui doit valider publiquement ses observations et conclusions.

C'est précisément ce qu'elle compte faire en tenant des consultations publiques régulièrement et en mettant sur pied des «comités miroirs», qui auront pour mandat de faire le lien entre le comité d'experts et le public concerné. Les citoyens et groupes de pression seront ainsi impliqués durant les travaux et auront même leur mot à dire sur le rapport final, avant qu'il ne soit transmis au gouvernement.

Certes, bien des questions restent en suspens sur la forme que prendront les consultations, sur le nombre de permis qui seront émis pour des besoins scientifiques, sur la quantité d'information qui sera rendue publique tout au long du processus. Ce qui nous oblige à la prudence et à la vigilance, mais pas, pour l'instant, à la virulence.

francois.cardinal@lapresse.ca

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