Le revirement de situation est surprenant. Après avoir fait pression sur Ottawa pendant des mois pour qu'il annonce la construction d'un nouveau pont Champlain, voilà que le Québec se transforme en obstacle... le jour même de l'annonce.

Curieuse façon pour un gouvernement d'accueillir ce qui est, disons-le, une très bonne nouvelle.

La conférence de presse du ministre Denis Lebel, hier, était certes plus laconique que ne l'aurait été l'annonce d'un nouvel aréna à Trois-Pistoles. Il n'y avait pas de plan de financement, pas d'échéancier, pas de détails sur le moyen de transport collectif à privilégier... et pas de place pour un représentant de la province.

Cela dit, que réclamait Québec depuis un an? Qu'exigeait Montréal? Que demandait la Rive-Sud? Un signal clair. Et ce signal a été donné, hier.

«Parole de Bleuet, il y aura un nouveau pont sur le fleuve!», s'est exclamé le ministre Lebel. Il a ainsi lancé le processus menant à la construction de cet important lien, il a signifié sa «préférence marquée» pour la construction en partenariat avec le privé, il a annoncé l'instauration d'un péage pour financer ce projet et il a promis que tout cela se fera en moins de dix ans. Bref, il s'est commis.

Qu'a répondu son homologue provincial? Qu'il est opposé aux péages...

Plutôt que de saluer simplement l'annonce, comme l'ont fait à peu près tous les maires, organisations et groupes de pression, Pierre Moreau a en effet choisi de la torpiller, de jouer au pisse-vinaigre...

Or les conservateurs ont certes bien des défauts, mais dans ce dossier, ils n'ont pas grand-chose à se reprocher jusqu'ici. Ils n'ont pas fait campagne sur le sujet, n'ont pas trop attendu avant d'agir et surtout, n'ont pas succombé, eux, au chant populiste des sirènes en mettant de côté l'idée d'un péage.

C'est là où le Québec bride le projet. Si le fédéral a décidé d'aller de l'avant avec ce projet de 5 milliards, malgré un contexte économique difficile, c'est bien parce qu'il a trouvé un moyen de le faire sans toucher au déficit ni aux impôts. Et cette quadrature du cercle, il n'y a que le recours au privé et au péage qui la rend possible.

Le péage, aussi honni soit-il à Québec, devient ainsi la clé de voûte de cette future infrastructure, comme il l'est d'ailleurs pour le pont Windsor-Detroit en planification. Donc «pas de péage, pas de pont», comme l'a résumé le maire Tremblay, hier.

Une fois les micros rangés, une fois la tournée du ministre Lebel terminée, il sera temps d'exiger les détails du projet, de scruter le modèle d'affaires, de définir le tracé, de s'entendre sur le nombre de voies, d'exiger l'intégration d'un système léger sur rail (et pourquoi pas, d'analyser la pertinence de faire coïncider le tout avec l'implantation d'un péage régional...).

Mais la décence la plus élémentaire commandait hier une réponse polie de Pierre Moreau. À titre de ministre des Transports, non pas de député de la Rive-Sud.

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