C'est un cercle vicieux: les jeunes ne votent pas parce qu'ils se sentent peu concernés; ils sont peu concernés parce qu'ils ne votent pas.

D'où l'appel lancé par un groupe d'organisations jeunesse, hier à Montréal, et par le comédien Rick Mercer, fin mars à son émission de la CBC. En choeur, ils exhortent les 18-24 ans à se déplacer le 2 mai prochain afin que leur voix, enfin, soit entendue par les partis politiques.

Ce plaidoyer, il est vrai, n'a rien de bien nouveau, les jeunes ayant toujours moins voté que leurs aînés. Mais il prend néanmoins une tournure particulière cette fois, car au-delà de la représentativité des jeunes, on se rend compte que c'est l'avenir du système électoral qui est menacé.

Les plus jeunes, en effet, ont toujours été moins nombreux à se prévaloir de leur droit de vote. Le phénomène, en soi, est désolant, mais il n'avait jusqu'ici rien de bien inquiétant, étant donné que les électeurs, en approchant de la trentaine, décidaient finalement de se rendre aux urnes.

Or ce que les études récentes révèlent, c'est un problème bien plus grave que la seule désaffection des jeunes électeurs: la désaffection accélérée des électeurs, tout court. On constate non seulement que les jeunes sont de moins en moins nombreux à se déplacer pour voter (37,4% en 2008), mais surtout, qu'ils n'y prennent même plus goût en vieillissant.

Cela est manifeste dans le cas de la cohorte d'électeurs nés après 1980. Contrairement à ce que l'on constatait depuis des décennies, l'âge ne semble pas aiguiser leur sens civique, ils sont ainsi moins nombreux aux urnes que leurs prédécesseurs au même âge.

Si bien qu'au sein d'Élections Canada et des autres organismes, on commence à craindre sérieusement que les électeurs plus âgés soient tranquillement remplacés par des abstentionnistes. Avec à la clé, on le devine, une baisse graduelle et inexorable du taux général de participation (déjà bas à 58,8%, en 2008).

Le phénomène est dramatique. D'autant plus que les chercheurs ayant tenté de comprendre cette désaffection sont nombreux à montrer du doigt non pas le cynisme des jeunes, ni le dégoût face aux différentes plateformes, mais bien l'apathie.

En clair, une bonne partie des jeunes ne sont pas informés, pas intéressés, pas motivés. Ils n'ont qu'une connaissance limitée de la chose politique et surtout, ils n'ont pas le sens du devoir civique de leurs parents.

Il est donc plus que nécessaire de redresser la barre. Plutôt que de tourner les élections en dérision comme le fait de manière tout à fait irresponsable l'humoriste Jean-François Mercier, il faut multiplier les appels au vote, élaborer des plateformes qui reflètent les intérêts des jeunes, tenter de les rejoindre par les médias sociaux, implanter un système d'inscription électronique.

Il faut peut-être même, comme l'ont proposé certains experts, une stratégie pancanadienne d'éducation civique. Après tout, c'est la représentativité de tous les électeurs qui en dépend, pas seulement celle des absents.

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