Si votre toit coule et vos fondations se fissurent, vous précipiterez-vous au magasin pour acheter une télé à écran plat? C'est pourtant ce que propose de faire le premier ministre en éducation.

Si votre toit coule et vos fondations se fissurent, vous précipiterez-vous au magasin pour acheter une télé à écran plat? C'est pourtant ce que propose de faire le premier ministre en éducation.

Le gouvernement ne cesse de répéter que la persévérance scolaire est l'enjeu le plus urgent, celui qui mérite toutes les attentions, les fonds et les ressources. Avec raison: l'école québécoise se porte généralement bien, mais depuis 20 ans, près du tiers des jeunes décrochent, un taux affligeant pour une «société du savoir».

Pour s'y attaquer, il faut s'attarder à ceux qui risquent de décrocher, aux enfants de milieux défavorisés, en difficulté d'apprentissage, handicapés, atteints de troubles du comportement, etc.

Or que retrouve-t-on pour ces jeunes dans le discours inaugural? Rien. Jean Charest a préféré miser sur l'accessoire. Dans les deux sens du terme.

Il a privilégié le clinquant, le tape-à-l'oeil, le bling-bling. Il a présenté l'éducation comme «le berceau de tous les talents», alors qu'il en a fait le «berceau de tous les gadgets»... au moment, justement, où le toit coule et les fondations se fissurent.

Les «tableaux blancs», tout aussi intelligents soient-ils, n'auront en effet qu'un impact négligeable, au mieux, sur le décrochage. Ce dont les professeurs ont besoin dans leur classe, c'est d'un appui professionnel pour gérer les élèves en difficulté, non pas d'un spectacle son et lumière.

D'autant plus que ces gadgets ont un coût. Énorme. Les tableaux se détaillent 3000$ au bas mot, à multiplier dans chacune des 40 000 classes de la province. Ajoutez à cela un portable pour chacun des 80 000 profs, et la facture frôle les 200 millions de dollars... sans compter la formation que tout ce beau monde exigera avec raison.

Une somme faramineuse... qui devra être puisée, selon ce qu'a déclaré Jean Charest, à même le «cadre financier établi il y a un an». Et c'est là où le bât blesse. La technologie a sa place dans la classe, mais si elle y entre au prix d'une réallocation des ressources, on est en droit de se demander s'il s'agit d'une priorité.

La question se pose également avec toutes ces intrusions dans l'autonomie des écoles, avec le vouvoiement (qui n'a pas attendu le premier ministre pour gagner en popularité), les codes de vie (qui existent dans la plupart des établissements) et les uniformes sportifs (dont les effets escomptés sur les garçons relèvent de la pensée magique). Des éléments auxquels on ne peut s'opposer, mais des priorités?

Soyons bons princes, il y a tout de même un élément du discours qui s'illustre par sa pertinence, l'enseignement intensif de l'anglais en 6e année. Mais encore là, étant donné la rareté des enseignants qualifiés, des questions se posent sur la provenance des fonds qui serviront à mettre en place cette mesure... à même le cadre financier.

Bref, on retrouve de bien belles et simples mesures, qui frappent l'imaginaire. Mais rien pour affronter le principal problème auquel l'école fait face aujourd'hui.

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