La représentante démocrate Gabrielle Giffords, atteinte à la tête lors d'une fusillade qui a eu lieu samedi en Arizona, est-elle la première victime d'un discours politique qui s'enflamme de façon inquiétante aux États-Unis?

Vrai, ce n'est pas la première fois qu'un politicien est la cible d'un attentat de ce côté de la frontière, mais beaucoup d'indices permettent de lier cet acte tragique au discours de plus en plus haineux d'une certaine droite, ne serait-ce qu'indirectement.

Au langage agressif et ordurier des radios poubelles, qui apparaît aujourd'hui presque banal, se sont en effet ajoutés au cours des dernières années l'esprit partisan aveugle du réseau Fox News, la création du Tea Party et le saut de Sarah Palin dans l'arène politique.

Rien de tout ça n'explique le geste du tueur de Tucson, qui ne semblait pas épouser les mêmes convictions politiques que ces derniers. Mais on ne peut faire abstraction de l'addition d'éléments ayant rapproché le discours de cette droite américaine plus radicale (non pas de la droite en général, rappelons-nous la modération d'un John McCain) du fanatisme, de l'intolérance et de la violence.

On est en effet prompt, à cette extrémité du spectre politique, à dénoncer un mot jugé blasphématoire à la télé, mais on n'hésite pas à utiliser publiquement des mots chargés d'une grande violence...

Les nombreux appels aux armes prononcés lors du débat sur la santé et des élections de mi-mandat en témoignent, même s'ils ont été utilisés au sens figuré. Pensons à cette candidate républicaine du Nevada, Sharron Angle, qui a laissé entendre que les citoyens pourraient répondre à la réforme du président Obama en ayant recours à «des solutions liées au deuxième amendement». Ce dernier consacre le droit de porter une arme...

Pensons au président du Comité national républicain, Michael Steel, qui a souhaité que l'ancienne leader en Chambre Nancy Pelosi se retrouve sur «la ligne de tir» («firing line»). Pensons à cet autre candidat républicain, Rick Barber, qui a diffusé des publicités télévisées montrant un homme déguisé en George Washington appelant au «rassemblement des troupes armées» («Gather your armies»).

Plus encore, pensons à Sarah Palin, qui, en plus de répéter son slogan «Ne battez pas en retraite, rechargez», a diffusé l'an dernier une carte des États-Unis sur laquelle avaient été superposées 20 cibles pour les 20 démocrates ayant approuvé la réforme de la santé.

On trouvait d'ailleurs dans cette liste le nom de la représentante Giffords, attaquée à bout portant samedi. Celle-ci, à l'époque, avait commenté cette stratégie douteuse d'une manière qui apparaît aujourd'hui bien sinistre: «Lorsque les gens font cela, avait-elle dit, ils doivent réaliser que leurs actions ont des conséquences.»

Or, ce contexte national extrêmement chargé se trouve décuplé en Arizona, véritable poudrière politique. On y a déploré au cours des derniers mois bon nombre de menaces et d'actes de vandalisme, comme ceux perpétrés l'an dernier contre le bureau de Mme Giffords, quelques heures après l'adoption de la réforme de la santé par le Congrès.

Le shérif Clarence Dupnik, qui a pris la parole à la suite de la fusillade samedi, a d'ailleurs fait écho à ce contexte en regrettant «la colère, la haine et le sectarisme qui ont cours dans ce pays». «Malheureusement, a-t-il ajouté, l'Arizona est devenu la Mecque des préjugés et du sectarisme.»

Il est toujours possible qu'il n'y ait aucun lien direct entre ce que certains appellent une «rhétorique empoisonnée» et la tentative d'assassinat de samedi. Mais il existe certainement un terreau fertile pour qu'un tel acte se reproduise.

francois.cardinal@lapresse.ca

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