Le rapport dévoilé cette semaine par la Société royale du Canada tempère les ardeurs: l'exploitation des gisements bitumineux d'Alberta n'est ni le projet le plus destructeur de la planète ni l'éden verdoyant que les autorités cajolent avec soin.

La toute première étude objective et indépendante sur la question, signée par une brochette de scientifiques canadiens reconnus pour leur intégrité, porte en effet un dur coup à l'alarmisme des écologistes, mais aussi aux fausses prétentions vertes de l'industrie et des gouvernements.

Pas vrai, disent les auteurs, que la hausse des émissions de gaz à effet de serre du pays est majoritairement attribuable aux sables bitumineux, que des cas de cancer peuvent y être directement reliés, ou que la rivière Athabaska se vide à grande vitesse.

Pas vrai non plus, ajoutent-ils, que la réglementation gouvernementale est sévère, que les évaluations environnementales sont rigoureuses, ou que la réhabilitation des sites va bon train.

Bref, la polarisation du débat a évacué les faits objectifs, qui relativisent grandement les discours, de part et d'autre. Un exemple: la surface exploitée en Alberta. À 600 km2, on parle tout de même d'un territoire deux fois grand comme Montréal! Mais en même temps, on est bien loin des 9700 km2 de terres inondées par le projet... de la Baie-James!

Cela dit, l'industrie et les gouvernements seraient bien mal venus de pavoiser, car l'étude critique assez durement leur indolence et leur encadrement approximatif, particulièrement pour trois enjeux d'importance.

D'abord, les carences des évaluations environnementales, menées comme si elles concernaient une vulgaire usine d'épuration plutôt qu'une exploitation énergétique à grande échelle! Si le rapport se fait rassurant quant à la contamination de l'air et de l'eau, il a été incapable d'évaluer l'impact cumulatif des projets, une donnée pourtant cruciale.

Ensuite, la tendance inquiétante des gaz à effet de serre. Les pétrolières ont su réduire de 40% les émissions produites par baril, mais cette diminution a été trop faible pour contenir la hausse totale des gaz à effet de serre. Pire, on ne voit aucune solution à l'horizon, à tel point que les chercheurs annoncent déjà l'échec de la cible visée pour 2020... réitéré il y a quelques jours à Cancún!

Enfin, la réhabilitation des sols une fois l'exploitation terminée, qui semble n'être qu'un voeu pieux. Non seulement le gouvernement n'exige pas les garanties financières nécessaires aux entreprises, mais elle a aussi négligé de mettre de l'avant des règles strictes à ce chapitre, deux lacunes qui permettront éventuellement à l'industrie de se défiler.

On ne court donc pas vers la catastrophe, mais on s'y dirige doucement si la trajectoire n'est pas rapidement modifiée. Les scientifiques font ainsi appel à l'industrie, qui doit être plus proactive, mais surtout aux gouvernements, qui doivent jouer les protecteurs du bien commun, non plus les relationnistes.

francois.cardinal@lapresse.ca

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