Comme un vieux couple au bord de la rupture, Washington et Pékin se rencontrent aujourd'hui au Mexique comme ils le feraient à une énième rencontre chez le psychologue: sans y croire.

Les deux parties se sont quittées à Copenhague en claquant la porte. Et les trois rencontres de médiation qui ont suivi se sont terminées aussi abruptement. Si bien que la séparation définitive pourrait être signée dans quelques jours, à la fin du sommet de Cancún. Et avec elle, c'est tout le processus de négociations entourant Kyoto qui pourrait disparaître.

En effet, l'élaboration du fameux protocole, dont la première phase vient à échéance à la fin de 2012, aura nécessité plus de deux ans de discussions et la ratification, pas moins de huit années supplémentaires. Difficile de croire qu'on pourra refaire le coup en 24 mois...

La communauté internationale se dirige donc tout droit vers le mur, qu'elle fait semblant de ne pas voir. En négligeant la montée en puissance de la Chine devenue premier pollueur, l'importance croissante des pays émergents, la résignation du président américain devant l'inertie républicaine et la hausse importante du scepticisme populaire, les négociateurs ouvrent la porte à un échec qui pourrait signer l'arrêt de mort des pourparlers sur le climat.

Il faut réfléchir autrement, redéfinir l'objectif pour se sortir du blocage causé par le bras de fer entre la Chine et les États-Unis. Tout en continuant de travailler sur des objectifs à long terme et sur les succès de Kyoto, il pourrait être judicieux d'ouvrir un nouveau front qui permettrait d'obtenir des résultats concrets et mesurables. Serait-il possible de présenter autrement le défi du climat en s'occupant en priorité des polluants responsables du smog et de la pollution urbaine que l'on a peut-être négligés par le passé (méthane, oxydes d'azote, particules fines, etc.)? En plus de donner une impulsion nouvelle à l'émergence d'une économie verte, une telle approche permettrait de convaincre plus facilement élus et citoyens d'agir, puisque l'on tenterait d'éviter la mort prématurée de milliers de personnes due à la pollution atmosphérique (1500 par année à Montréal) plutôt que la multiplication de millions de réfugiés climatiques à l'autre bout du globe.

En outre, l'idée de se concentrer sur la réduction de la pollution pourrait rallier à la fois les États-Unis, où les républicains sont soucieux de la question, et la Chine, aux prises avec un problème de pollution qu'elle sait urgent. Même les conservateurs canadiens pourraient y trouver leur compte, puisqu'ils avaient fait de la qualité de l'air une priorité en 2006.

Sans perdre de vue l'objectif à long terme - une décarbonisation de l'économie -, il pourrait donc être pertinent d'ajouter une étape en s'attaquant rapidement à certains polluants, afin d'améliorer la qualité de l'air... et d'éviter une débandade qui mènerait à une rupture définitive des négociations sur le climat.

francois.cardinal@lapresse.ca

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