En décidant de mettre une croix sur l'exploration dans l'estuaire du Saint-Laurent, le gouvernement Charest pose un geste exemplaire... dont il devrait lui-même s'inspirer pour le développement du gaz de schiste.

En décidant de mettre une croix sur l'exploration dans l'estuaire du Saint-Laurent, le gouvernement Charest pose un geste exemplaire... dont il devrait lui-même s'inspirer pour le développement du gaz de schiste.

Pour une rare fois, en effet, Québec n'exagère pas ses mérites lorsqu'il dit avoir agi de façon «adéquate et exemplaire» en analysant les impacts de la mise en valeur des hydrocarbures en milieu marin.

Et détrompons-nous, ce n'est pas la décision annoncée hier qui en fait sa grande qualité, mais bien la démarche que le gouvernement a suivi avant d'arrêter sa position.

Ayant depuis longtemps «un préjugé favorable» à l'exploitation des hydrocarbures extracôtiers, le gouvernement n'en a pas moins pris le temps d'étudier les tenants et aboutissants de cette filière avant de donner l'ultime feu vert.

Il a ainsi mandaté le BAPE, en 2004, pour en savoir plus sur l'impact des levées sismiques. Il a participé à un vaste programme de recherche sur le milieu marin piloté par la Commission géologique du Canada.

Puis il a lancé, l'an dernier, une «évaluation environnementale stratégique», sorte d'études d'impacts 2.0 qui permet de mettre la table avant de tenir des audiences publiques (qui n'auront finalement pas lieu).

Au cours de la dernière année, la portée d'une exploitation au large des côtes a ainsi été analysée, les effets environnementaux potentiels ont été examinés et les mesures d'atténuation des effets négatifs ont été soupesées.

Conclusion : l'estuaire du Saint-Laurent, de Québec à la pointe ouest de l'île d'Anticosti, constitue, selon la ministre Normandeau, un «milieu complexe et fragile» qu'il faut protéger des pétrolières.

Reste maintenant à voir la seconde partie de l'analyse, qui s'attardera aux bassins de la baie des Chaleurs, d'Anticosti et de Madeleine, beaucoup plus prometteurs, donc beaucoup plus délicate à écarter.

Mais peu importe la conclusion de cet autre volet, prévue pour 2012, l'évaluation environnementale stratégique a déjà le mérite d'avoir prouvé 1) qu'elle est très utile, 2) que l'estuaire est fragile, 3) que le gouvernement va beaucoup trop vite dans le dossier du gaz de shale...

La différence de traitement des deux filières laisse pantois. L'une est sous le coup d'un moratoire, l'autre non. L'une commande la patience, l'autre la précipitation. L'une la prudence, l'autre la témérité.

Certes, le milieu marin est beaucoup plus complexe et délicat que les terres qui accueilleront les foreuses. Mais l'incertitude entourant le shale gazier, la méconnaissance de la technologie et les mauvaises expériences subies à l'étranger commandent aussi, justement, prudence et patience.

Québec veut absolument que le BAPE boucle ses travaux en quatre mois? Eh bien qu'il lui donne la chance de le faire en mettant la table, avant, avec une évaluation environnementale stratégique, une étape d'au plus 12 mois.

Si c'est bon pour le gouvernement Charest, ça doit bien l'être aussi... pour le gouvernement Charest.

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