Le charmant film de Ricardo Trogi, 1987, vient de franchir la barre du million de dollars au box-office, ce qui en fait le film québécois le plus populaire de 2014, une année difficile jusqu'à présent pour les recettes de notre cinématographie.

Il n'est pas très étonnant que le film de Trogi, dans lequel un adolescent cherche furieusement à entrer au bar Dagobert de Québec avant ses 18 ans, ait rejoint le public. La nostalgie est devenue une industrie en soi. Nous sommes cernés par la nostalgie. Les retrouvailles sur scène du groupe RBO à Juste pour rire ont été un succès. Au cinéma, 1987 a comme rivaux Les Tortues Ninja, une énième exploration de La planète des singes ou Les Sacrifiés 3, qui réunit les acteurs des films d'action des années 80. Parmi les tournées internationales les plus lucratives, on retrouve toujours les Rolling Stones, Bon Jovi, Depeche Mode, Madonna ou Paul McCartney. Et si l'on n'aime pas sortir, Les enfants de la télé ou Musimax proposent de revisiter les archives du passé.

Longtemps considérée comme un désordre psychique, la nostalgie retrouve un peu de son lustre, notamment à l'Université de Southampton, en Angleterre, où un groupe de recherche se consacre au phénomène. Il s'avère que la nostalgie a une fonction positive ; celle, très simple, de nous faire sentir mieux. Elle combattrait la solitude et l'anxiété, renforcerait notre identité, nous rendrait plus chaleureux envers les autres et ferait même grimper notre température corporelle !

«Plusieurs résultats montrent qu'il n'y a pas de lien entre être nostalgique et être pessimiste, dit Damien Hallegatte, professeur de marketing à l'UQAC, qui a fait sa thèse de doctorat sur le rétromarketing. Il note que l'esprit humain a tendance à retenir les bons souvenirs et à oublier les mauvais, sauf si ceux-ci ont été surmontés. Ainsi ce look gênant de 1987 et les bourdes de l'adolescence peuvent-ils se transformer, finalement, en bons souvenirs, réconfortants parce qu'ils appartiennent justement au passé, qu'on a tendance à embellir avec le temps. «La nostalgie, rappelle M. Hallegatte, c'est se rappeler le prix des maisons d'hier, en oubliant les salaires.»

Tout de même, les industries du cinéma, de la musique et de la pub ont très bien compris à quel point le public aime se faire chatouiller la fibre nostalgique et il y a risque de surdose à force d'exploiter de façon abusive ce sentiment.

Notamment chez ceux qui ont grandi dans les années 2000, où la tendance n'a jamais été aussi forte. Car en plus de donner une impression d'immobilité générale et de désincarner le présent, il ne faudrait pas priver les futurs adultes des bienfaits de la nostalgie pour leurs vieux jours. Après tout, on ne se fabrique pas une mémoire avec les souvenirs des autres.