Des développements, il n'y en a pas eu beaucoup depuis le début de la renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Le déblocage annoncé hier matin entre les États-Unis et le Mexique est donc un signe encourageant. Reste à voir ce qui a été convenu exactement entre les deux partenaires, et ce qui manque pour que le Canada se joigne à eux.

« J'espère que nous pourrons porter un bon toast à la tequila pour célébrer cette entente ! », a lancé le président mexicain Enrique Peña Nieto à Donald Trump hier matin.

La tequila, toutefois, devra attendre. M. Peña Nieto l'a mentionné à plusieurs reprises hier : le Mexique souhaite un accord trilatéral incluant le Canada. Et ça, ce n'est pas fait. D'ailleurs, s'il n'en tenait qu'au président américain, ça ne se ferait jamais.

Donald Trump, qui n'a jamais caché sa préférence pour les traités bilatéraux, a encore une fois évoqué la possibilité de remplacer l'ALENA par deux accords commerciaux distincts. Et il a ressorti une autre de ses menaces favorites, soit imposer un tarif douanier sur les automobiles en provenance du Canada. Heureusement, le président n'a pas le contrôle exclusif de ces leviers. Si jamais il se hasarde à les actionner, il a de bonnes chances de trouver le Congrès et les tribunaux américains sur son chemin.

Le seul gain qu'on puisse attribuer à Donald Trump pour l'instant, c'est d'avoir repris le contrôle de la mise en scène.

Malgré un événement un peu brouillon durant lequel il a peiné, sous l'oeil des caméras, à établir la conférence téléphonique avec son homologue mexicain, il s'est clairement posé en maître du jeu.

M. Peña Nieto lui a copieusement passé la brosse à reluire, soulignant « sa volonté politique et sa participation », ainsi que « l'accompagnement et le soutien » de son gendre Jared Kushner. Et à défaut d'accord bilatéral, le président a imposé la négociation bidirectionnelle : maintenant que la Maison-Blanche en a fini avec le Mexique, c'est le Canada qui est appelé au parloir.

La ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a dû couper court à son séjour en Europe pour être à Washington aujourd'hui. Les sources gouvernementales ont beau faire valoir qu'un progrès entre les États-Unis et le Mexique était nécessaire pour que les négociations progressent, et que c'est une bonne nouvelle puisque cela permet au Canada de revenir à la table, c'est maintenant vers lui que se tourne la pression.

Sur quoi les États-Unis et le Mexique se sont-ils entendus exactement ? En l'absence d'informations officielles, on en était réduit à des spéculations hier.

Certains éléments, comme le compromis sur la mesure de temporisation (« clause crépusculaire »), semblent pouvoir être acceptables pour le Canada. Dans le secteur automobile, il faudra avoir la réaction des travailleurs et des entreprises, mais les concessions faites par le Mexique pourraient être vivables de ce côté-ci de la frontière.

« Il faut voir ce que les Américains demandent au Canada. Est-ce seulement d'être d'accord avec ce qu'ils ont négocié avec le Mexique, ou y a-t-il d'autres demandes ? », résume le professeur Patrick Leblond de l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa.

Sur le fameux chapitre 19 sur le règlement des différends, que le Canada a défini comme une ligne à ne pas franchir, c'est encore très flou - comme sur beaucoup d'autres aspects, d'ailleurs.

Le président Trump n'a cité qu'une cible canadienne hier, les « tarifs de près de 300 % sur certains de nos produits laitiers ». Comme on pouvait s'y attendre, la gestion de l'offre est toujours dans la ligne de mire. Et pour cet enjeu, la pression ne viendra pas seulement de Washington. En pleine campagne électorale québécoise, le gouvernement Trudeau devra également être prêt à répondre à de fortes pressions de l'intérieur.

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