À l'image de ses motocyclettes, Harley-Davidson a fait une sortie spectaculaire lundi, annonçant au monde entier que la guerre commerciale du président Trump allait l'obliger à supprimer des emplois aux États-Unis. Et ce n'est qu'un début.

Harley-Davidson a beau être en perte de vitesse et vendre moins de motos ces dernières années, la marque demeure un symbole fort qui frappe l'imagination. L'information divulguée auprès des autorités boursières américaines n'est donc pas passée inaperçue. Les tarifs imposés par l'Union européenne en réplique aux tarifs américains sur l'acier et l'aluminium vont coûter tellement cher qu'une partie de la production américaine devra être transférée ailleurs pour s'y soustraire, a prévenu le constructeur lundi.

Pour l'Union européenne et tous ceux qui, aux États-Unis comme à l'étranger, dénoncent la guerre tarifaire menée par Washington, c'est une victoire sur le front des communications. 

Même le président Trump est tombé dans le panneau. Grâce à ses coups de gueule contre Harley-Davidson sur Twitter, l'histoire a fait encore plus de millage hier, entraînant d'autres exemples dans son sillage.

Connaissez-vous Mid-Continent Nail? Il y a quelques jours encore, la plupart des Américains non plus. C'est pourtant le plus gros fabricant de clous aux États-Unis, du moins pour l'instant. Les tarifs de 25% sur l'acier qu'il importe du Mexique ont rendu ses produits hors de prix par rapport à la concurrence chinoise. Résultat, l'entreprise a mis à pied 60 employés et craint de devoir fermer boutique d'ici l'automne. Cette histoire qui, au début, n'a pas fait grand bruit à l'extérieur du Missouri, a fait les manchettes partout hier. Non sans raison.

«Il ne pourrait y avoir meilleur exemple dans le genre du tort causé aux emplois manufacturiers américains par ces politiques extrêmement malavisées», a résumé un porte-parole de l'entreprise en entrevue à CNN.

Avec ses 500 emplois manufacturiers dans une ville de 17 000 habitants, la fermeture de Mid-Continent Nail serait désastreuse pour la région... et pour l'image de Donald Trump, que près de 80 % des électeurs du comté avaient appuyé aux dernières élections.

C'est, à plus petite échelle, aussi embarrassant que le cas Harley-Davidson, une entreprise phare du Wisconsin dont le président avait accueilli les dirigeants à bras ouverts à la Maison-Blanche au début de son mandat.

Pour l'instant, cette guerre tarifaire est surtout une guerre des nerfs. Et à ce petit jeu, le non-dit est une arme fort utile.

En évoquant une délocalisation sans dire combien d'emplois ni lesquelles de ses usines risquaient d'être touchées, Harley-Davidson a créé un maximum d'incertitude... et s'est assurée d'un maximum d'impact.

Quant à Mid-Continent Nail, elle s'est certainement attiré plus de sympathie en laissant des élus du Missouri défendre sa cause sur la place publique qu'en dépêchant un porte-parole de sa maison-mère... la société mexicaine Deacero, qui a racheté l'usine en 2012.

Pour l'instant, cette guerre commerciale est encore, beaucoup, une guerre de mots. Mais les effets collatéraux qui menacent les entreprises américaines se précisent de plus en plus. Cela suffira-t-il à faire reculer le président Trump? C'est à souhaiter. Si l'on s'en tire avec beaucoup de bruit pour rien, ce sera vraiment un moindre mal.

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