Verdir les ruelles... L'objectif est louable, mais restreindre l'accès des cours arrière aux véhicules des résidants ne fera pas une grande différence, et risque de donner de sérieux maux de tête à plusieurs.

Officiellement, il s'agit d'empêcher l'aménagement de nouveaux stationnements en cour arrière dans les secteurs résidentiels du Plateau Mont-Royal. Cet objectif-là est atteint depuis le 5 mars, puisque l'avis de motion déposé au conseil d'arrondissement a fermé la porte aux nouvelles demandes. Le règlement, qui devrait être adopté en juin, consacrera le changement de régime. Mais même si l'administration promet de respecter les droits acquis, plusieurs résidants risquent d'avoir de mauvaises surprises. Car pour conserver leur stationnement qu'ils tenaient pour acquis, ils devront pouvoir faire la preuve de leur bon droit.

Or, dans le Plateau comme en maints endroits à Montréal, l'usage des cours a tellement changé au gré des occupants que le statut d'un espace utilisé pour garer un véhicule n'est pas toujours clair aux yeux du propriétaire. Le nombre d'années et la tolérance de la Ville n'y changent rien : si l'emplacement n'était pas légal avant l'adoption du nouveau règlement, il ne le sera pas davantage après.

À l'inverse, des propriétaires qui détiennent réellement un droit acquis pourraient avoir du mal à le démontrer. L'espace utilisé comme stationnement ne figure pas nécessairement sur leur certificat de localisation, et tout le monde n'a pas de vieilles photos à présenter en preuve. Le dernier notaire qui a traité le dossier peut avoir dans ses annexes des demandes de permis ou des croquis qui témoignent du stationnement en question, note toutefois le président de la Chambre des notaires, François Bibeau.

Bref, certains vont devoir ramer pour déterminer s'ils ont un droit acquis, ou le faire reconnaître. 

L'arrondissement a beau affirmer qu'il ne se lancera pas dans une chasse aux sorcières, qu'il n'y a pas de tournée d'inspection en vue et que la reconnaissance du droit acquis sera demandée seulement en cas de travaux dans la cour, rien ne dit qu'il sera toujours aussi indulgent. Les vendeurs qui comptaient sur la valeur d'un stationnement devront en faire la preuve, ou revoir leur prix à la baisse.

Tout ça pourquoi ? L'arrondissement dit vouloir « encourager la réappropriation des ruelles par les riverains ». Sauf qu'avec 40 % des cours arrière ayant un stationnement protégé par un droit acquis, on n'est pas près d'éliminer la circulation.

Le règlement vise aussi à « réduire la dépendance à l'automobile ». On cherche le lien. Outre le fait qu'assimiler la possession d'un véhicule à une forme de toxicomanie constitue un raccourci pour le moins douteux, on confond la propriété et l'usage. 

La réalité, c'est que pas mal de Montréalais prennent leur auto seulement pour sortir de la ville. Le reste du temps, ils font leurs courses à pied dans le quartier, et utilisent les transports actifs ou collectifs pour aller travailler.

La réalité, c'est aussi que beaucoup de soi-disant « dépendants » à l'automobile ont un horaire ou un lieu de travail qui ne leur laisse pas d'autre possibilité.

Qu'arrivera-t-il si on empêche tous ces dangereux toxicomanes de mettre leur voiture dans leur cour ? Ils la gareront dans les rues. À part des déplacements pour éviter une amende les jours de balai mécanique, on ne voit pas ce que ça donnera de plus...

Le Plateau a aménagé au fil des ans plus d'une vingtaine de tronçons dit champêtres, fermés totalement ou partiellement à la circulation. Des espaces enchanteurs à n'en pas douter, mais répétons-le : avec près de la moitié des cours ayant des droits de stationnement, son projet de règlement ne donnera pas un coup de baguette magique aux autres ruelles. Tout ce qu'il peut garantir, ce sont des contrariétés pour un certain nombre de résidants. Espérons que les autres arrondissements ne le suivront pas dans cette voie.

> Voyez les explications de l'arrondissement

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion