Un médecin vient de plaider coupable d'avoir facturé «des montants disproportionnés» pour des gouttes. Et aussi incroyable que ça puisse paraître, c'est une première. Les frais accessoires ont beau être interdits depuis plus d'un an, on n'en a pas fini avec eux.

Le coût réel des gouttes facturées 30 $ aux patients allait de 0,70 $ à 3,84 $, a indiqué l'ophtalmologiste Philippe St-Gelais. Le Dr St-Gelais, qui pratique à la Clinique Oculus, en Beauce, a plaidé coupable le 19 avril dernier. Une amende de 5000 $ a été recommandée conjointement par son avocat et celui du syndic du Collège des médecins. Est-ce suffisant? On a hâte de voir ce qu'en dira le conseil de discipline, dont la décision est attendue sous peu.

L'ophtalmologiste a dit ne plus facturer ces gouttes depuis novembre 2016. Mais que d'efforts pour en arriver là!

Le patient, qui ne peut être identifié, s'est plaint en décembre 2015. La syndique adjointe a conclu, après enquête, que les frais facturés étaient bel et bien «disproportionnés», et que le médecin avait manqué à ses obligations déontologiques, mais lui a seulement demandé de modifier sa grille tarifaire. Mauvaise idée : le mois suivant, le patient a encore dû payer 30 $ de gouttes!

«Qu'a fait le Dr St-Gelais de vos recommandations? Et que fait-il de ses obligations déontologiques? Est-ce que la mission du Collège est de protéger ses membres ou le public?», peut-on lire dans la lettre du patient.

Il a fallu que le patient en appelle au comité de révision pour que le syndic finisse par amener le médecin devant le conseil de discipline. Nous avons eu connaissance d'au moins un autre cas, contre un autre ophtalmologiste, où le patient a dû passer par le comité de révision pour que le syndic se décide à déposer une plainte. Pour l'effet dissuasif, on a vu plus redoutable!

Même si la quasi-totalité des frais accessoires liés aux services assurés sont interdits depuis la fin janvier 2017, ils ont été tolérés si longtemps qu'on n'en finit plus de faire le ménage.

Huit autres médecins, des urologues cette fois, doivent encore comparaître devant le conseil de discipline pour facturation déraisonnable, au début mai. Sans oublier la quinzaine d'ophtalmologistes du Centre oculaire de Québec, dont les audiences disciplinaires ont été suspendues pour régler une question en Cour supérieure.

Le Collège et son syndic ne sont pas les seuls englués dans cette histoire. Les gouvernements qui se succédés à Québec ont beaucoup trop tardé à s'en mêler. Ce n'est pas pour rien qu'une action collective a été autorisée contre Québec, la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ) et une flopée de cliniques et de médecins.

Cette pratique détestable qui consiste à faire payer des suppléments pour des services couverts par le régime public n'est d'ailleurs pas totalement éradiquée. La RAMQ a reçu l'an dernier plus de 400 demandes de patients qui se sont vu imposer des frais accessoires illégaux et, donc, avaient droit à un remboursement.

Et ce n'est qu'une fraction des plaintes reçues, car la majorité (plus de 90%) porte plutôt sur des frais qui ne sont pas interdits, comme des frais administratifs pour faire des copies ou remplir des formulaires. La Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles a aussi signalé de coûteux examens des yeux - qui peuvent être facturés parce qu'ils ne sont pas couverts par le régime public, mais dont les patients ignorent s'ils sont nécessaires. La RAMQ a d'ailleurs fait une inspection-surprise à L'Institut de l'oeil des Laurentides l'an dernier - on attend encore ses conclusions.

Ces multiples frais ne sont peut-être pas illégaux, mais de toute évidence, beaucoup de patients les trouvent problématiques, voire illégitimes. Le débat est loin d'être clos.

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