Le recours collectif qui vient d'être autorisé contre Volkswagen et Audi en raison des émissions nocives que leurs véhicules auraient rejetées illégalement dans l'atmosphère est une cause déterminante - et pas seulement pour les dommages de 35 $ qui pourraient être attribués au nom de chaque Québécois.

« Si l'État ne fait rien ou si les sanctions sont minimes, n'encourage-t-on pas la répétition de tels scénarios ? », soulève le juge Daniel Dumais dans sa décision rendue cette semaine.

On touche au coeur du problème. Volkswagen, on le sait, a reconnu avoir utilisé un logiciel qui faussait les tests antipollution américains - les émissions des véhicules étaient réduites à un seuil acceptable durant ces tests, alors que sur la route, elles dépassaient largement les limites légales. Une fraude monumentale qui a duré plusieurs années, et pour laquelle la société allemande fait encore face à de nombreuses poursuites.

Des recours collectifs intentés au Canada ont déjà obtenu des indemnités pour les propriétaires et locataires de divers modèles de Volkswagen, Audi et Porsche.

Les consommateurs, toutefois, ne sont pas les seuls floués dans cette histoire.

Les normes antipollution ne sont pas faites pour les Martiens. Elles visent à limiter les concentrations d'émanations toxiques et de particules fines dans l'air que nous respirons tous, afin de restreindre leurs effets négatifs sur la santé et l'environnement.

Combien de tonnes d'émissions les quelque 105 000 véhicules vendus au Canada ont-ils recrachées illégalement dans l'atmosphère durant toutes ces années ? Ça n'a pas encore été calculé, mais une chose est sûre : personne ne peut prétendre qu'autant de voitures au diesel parcourant chacune plusieurs dizaines de milliers de kilomètres en émettant beaucoup plus d'oxyde d'azote que permis n'ont aucun effet sur la qualité de l'air. Pourtant, malgré les quantités considérables de contaminants en jeu, ni Québec ni le fédéral n'ont manifesté la moindre intention de mettre les entreprises en cause à l'amende. Heureusement, d'autres se sont retroussé les manches.

C'est ce qu'a fait l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) en évoquant à la fois la Loi sur la qualité de l'environnement, le Règlement sur les émissions des véhicules routiers et de leurs moteurs et la Charte des droits et libertés de la personne.

Et à Ottawa, deux organisations environnementales et une clinique juridique ont déposé une requête en cour fédérale pour forcer la ministre de l'Environnement à ordonner une enquête sur quatre motifs allégués (dont l'importation et la vente de véhicules diesel non conformes) et de les en tenir au courant, comme le prévoit la loi fédérale.

L'Association canadienne des médecins pour l'environnement et Environmental Defense ont entrepris ce recours après qu'Environnement Canada eut refusé trois de ces enquêtes, en prétextant qu'elle travaillait déjà elle-même là-dessus.

Les militants trouvent que le fédéral se traîne les pieds, ne fait pas respecter ses lois et laisse de l'argent sur la table.

C'est un cas complexe et si le Ministère décidait de poursuivre, il devrait prouver la culpabilité de l'accusé hors de tout doute raisonnable, nous a-t-on indiqué au cabinet de la ministre.

Certes, les faits reprochés à Volkswagen et Audi n'ont pas été démontrés ici, mais les États-Unis ont passablement déblayé le terrain. Une partie de la juteuse entente négociée par l'Environmental Protection Agency américaine est d'ailleurs constituée de mesures de mitigation et d'obligations visant à prévenir les récidives. Plusieurs États ont aussi lancé leurs propres poursuites pour atteinte à la qualité de l'air. L'argent obtenu de Volkswagen a permis à la Californie de financer le tiers de son nouveau laboratoire de mesure des émissions. Le New Jersey, de son côté, consacrera les sommes reçues à des projets destinés à réduire la pollution.

Cela dit, ne comptez pas sur les 35 $ de dommages réclamés au nom de chaque Québécois pour recevoir bientôt un chèque. Ce recours collectif s'annonce long et même si l'AQLPA l'emporte, la distribution des sommes, une fois les frais d'avocats payés, dépendra de ce qu'ordonnera le tribunal.

On peut toutefois être certain d'une chose : si les requérants réussissent à faire reconnaître que des infractions aux lois québécoises et canadiennes ont été commises, ce sera très embarrassant pour les gouvernements qui, eux, auront négligé de sévir.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion