Que faire de Postes Canada? Confrontée à cette épineuse question, la ministre des Services publics et de l'Approvisionnement a décidé de tirer un trait sur les nouvelles boîtes postales communautaires, et de renvoyer les autres enjeux à la société d'État. Ce n'est donc que partie remise.

«Nous n'allons pas remettre le dentifrice dans le tube», a fait valoir la ministre Carla Qualtrough en conférence de presse, hier, à Mississauga.

Traduction : les électeurs qui ont voté pour un candidat libéral dans l'espoir de ravoir leur courrier à domicile devront en faire leur deuil. Le gouvernement Trudeau a préféré les économies dégagées par l'administration Harper au respect de sa promesse électorale.

Des citoyens furieux, un maire jouant du marteau-piqueur : la décision de transférer tout le courrier résidentiel dans des boîtes postales communautaires, on s'en souvient, avait suscité un vif émoi partout au pays.

Après plus de deux ans de moratoire, les libéraux semblent faire le pari que les esprits se sont un peu calmés, et qu'ils peuvent se permettre de faire une croix sur leur promesse de redonner le service à domicile aux quelque 480 000 foyers qui l'ont perdu en 2014 et 2015.

L'enthousiasme qu'ils avaient manifesté en campagne s'est refroidi au contact des chiffres. Ramener la livraison aux résidences qui l'ont perdue aurait entraîné des frais initiaux de 195 millions de dollars, auxquels se seraient ajoutés des coûts annuels de 95 millions de dollars, indique-t-on chez Services publics et Approvisionnement Canada. Pour Postes Canada, dont le dernier bénéfice annuel n'a pas dépassé 81 millions, et qui doit se réinventer pour garantir sa viabilité, ce serait désastreux.

La promesse électorale non tenue est une pratique inacceptable qui alimente le cynisme des électeurs. Il y a toutefois des cas, comme celui-ci, où exiger la tenue d'une promesse coûte que coûte serait irresponsable. Mettre le holà à cette opération impopulaire, et même problématique dans des quartiers densément peuplés comme à Montréal, était la décision qui s'imposait. Mais revenir en arrière? C'est l'exemple parfait d'un engagement pris à la légère, dont tout parti qui estime avoir des chances de prendre le pouvoir devrait s'abstenir.

Ce sujet clos, le problème de Postes Canada reste entier. L'explosion des envois de colis ne compense pas l'érosion des revenus provenant des envois de lettres, et cette tendance va aller en s'accentuant.

Des dizaines d'audiences, des milliers de commentaires et deux rapports exhaustifs plus tard, la ministre Qualtrough a décidé hier de renvoyer la balle à la Société - à la nouvelle présidente du conseil d'administration, ainsi qu'aux administrateurs et au PDG qui devraient être nommés bientôt. La lettre énonçant ses attentes comporte heureusement quelques pistes intéressantes.

Demander le renouvellement des conventions collectives et l'amélioration des relations syndicales-patronales peut sembler aller de soi dans une entreprise de services, mais Postes Canada a une fichue pente à remonter de ce côté. Espérons que les syndicats donneront la chance au coureur, et feront preuve de bonne volonté avec la nouvelle direction.

Et si on livrait le courrier un jour sur deux? Cette hypothèse de réduction de coûts a reçu un fort appui des citoyens lors des consultations. Beaucoup d'utilisateurs de boîtes communautaires ne la vérifient d'ailleurs pas chaque jour. Postes Canada avait toutefois reçu l'idée assez tièdement, prétextant qu'il faudrait jusqu'à cinq ans pour en dégager les pleines économies. Pourtant, il y aurait au moins 74 millions par an à aller chercher là. Il est donc heureux que la ministre revienne à la charge et demande à la Société d'examiner ce scénario. Il faudrait même pousser l'exercice plus loin et réaliser des projets-pilotes, comme l'avait suggéré le Groupe de travail sur l'examen de la Société canadienne des postes.

Les trois derniers exercices financiers de Postes Canada ont été profitables, et celui de 2017 devrait l'être encore. L'organisation a donc encore un peu de marge de manoeuvre pour se réinventer, mais cette marge se rétrécit d'année en année. Il n'y a plus de temps à perdre.

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