Pour une fois, on ne parlera pas de crise, puisque le cas de ces anesthésistes français qui n'arrivaient pas à obtenir les stages requis pour exercer ici s'est résorbé rapidement. Le problème de fond, toutefois, reste entier : comment couvrir les besoins des petits hôpitaux éloignés où les anesthésistes québécois ne veulent pas s'installer ?

Un ministre, Gaétan Barrette, qui accuse une association de spécialistes de bloquer les stages des médecins recrutés en France par son gouvernement. Un hôpital, celui de Matane, qui attend son anesthésiste française pour pourvoir sa salle d'opération. Une association, celle des anesthésiologistes, qui réplique avoir refusé un seul stage, à Montréal. Un ordre professionnel, le Collège des médecins, qui intervient pour lui rappeler les obligations de ses membres... L'affaire rapportée lundi par Radio-Canada est typique de ces conflits touffus qui secouent périodiquement notre système de santé. Cet épisode-là, heureusement, s'est réglé avant de dégénérer en crise. Dire que tout est rentré dans l'ordre serait toutefois exagéré.

La pénurie d'anesthésistes demeure. Et vu le nombre d'années requis pour en former de nouveaux, la situation ne se réglera pas rapidement d'elle-même. 

D'autant que ce n'est pas seulement une question d'arithmétique : les conditions d'exercice dans les petits hôpitaux éloignés font que plusieurs finissants préfèrent travailler à l'extérieur du Québec, ou pratiquer autrement, que d'aller pourvoir ces postes.

Au problème récurrent des régions s'ajoute celui des interventions chirurgicales supplémentaires annoncées par le ministre Barrette il y a un peu plus d'un an, qui seront réparties entre des hôpitaux publics et des cliniques privées. Pour éviter de découvrir davantage les régions, le ministre a décidé d'utiliser le fameux Arrangement de reconnaissance mutuelle (ARM) entre le Québec et la France pour attirer des anesthésistes d'outre-mer. On verra si le Québec est capable d'en recruter suffisamment pour pouvoir réaliser les dizaines de milliers d'opérations supplémentaires annoncées l'an dernier, mais à la limite, c'est surtout le problème du ministre, qui doit maintenant livrer ce qu'il a promis - les patients en attente, eux, croiront à une amélioration quand ils la verront.

Le cas des hôpitaux régionaux forcés de fermer périodiquement leurs salles d'opération faute d'anesthésistes est nettement plus inquiétant. On ne parle pas seulement de listes d'attente, mais de situation urgentes où les patients doivent être transportés sur de très longues distances, jusqu'au prochain hôpital en mesure de les opérer. 

Certains établissements, on l'a vu, réussissent à attirer des médecins français, mais ceux-ci ne resteront pas nécessairement à la fin de leur contrat, et de toute façon, ces volontaires ne sont pas assez nombreux pour combler tous les besoins. Il faut trouver une solution québécoise.

L'Association des anesthésiologistes dit avoir proposé un plan. Le ministre indique que celui-ci ne répond pas à tous ses critères - une solution permanente, qui ne nécessite pas de sommes supplémentaires et garantit une couverture à l'année. Que ça leur plaise ou non, ces deux parties-là vont devoir continuer à se parler, car la situation est injuste pour les populations concernées. Il est d'ailleurs évident que si de telles ruptures de service se produisaient dans des régions où il y a davantage de médias pour y faire écho, la pression aurait depuis longtemps forcé une solution.

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