Voyageurs rudoyés ou enfermés durant des heures : à voir les traitements infligés à des malheureux voyageant en classe économique ou sur les ailes de transporteurs au rabais au cours des derniers mois, on dirait que ces entreprises n'ont plus de clients, mais seulement des passagers dont elles exigent la plus grande passivité.

Le client, c'est avant, lorsqu'il s'agit de vendre une destination. Après ? C'est selon.

Les passagers d'Air Transat confinés durant cinq heures dans l'atmosphère étouffante de leur avion, lundi, n'ont pas eu l'impression de compter pour beaucoup. En désespoir de cause, ils ont fait appel au 911, provoquant une intervention des secours, ce qui n'a pas semblé plaire au personnel de bord.

C'est vrai, les orages qui ont forcé le détournement vers l'aéroport d'Ottawa étaient hors du contrôle du transporteur. La gestion d'une telle situation, par contre, est entièrement de sa responsabilité. Pourquoi avoir gardé ces voyageurs qui venaient de se taper un vol transatlantique aussi longtemps à bord d'un appareil où l'eau, et même l'air frais, sont venus à manquer ?

Transat a affirmé hier que l'aéroport n'avait pas été en mesure de fournir les passerelles qui auraient permis de faire sortir les passagers ou de leur apporter de l'eau potable, et que les délais de ravitaillement en carburant ont entraîné l'arrêt de la climatisation.

L'aéroport soutient pour sa part qu'il avait des autobus prêts à prendre les passagers si le transporteur avait décidé de les faire descendre, ce qu'il n'a pas fait.

Qui croire ? Ces deux versions semblent plus complémentaires que contradictoires, et l'on se demande à quel point les coûts d'un débarquement ont joué dans l'équation. Les délais requis pour la descente des passagers, leur passage (obligatoire) à la douane et leur remontée à bord auraient-ils entraîné des frais importants pour Transat ? C'est possible, mais ce risque aurait dû être évalué à la lumière d'autres facteurs qui ont aussi un coût, dont l'impression désastreuse laissée aux passagers et toute la publicité négative générée par cet épisode. Ces considérations, hélas, ne semblent pas avoir pesé dans la balance.

La charte des voyageurs, que le ministre fédéral des Transports souhaite voir entrer en vigueur l'an prochain, devrait rééquilibrer un peu le rapport de forces.

Après trois heures passées sur le tarmac, le transporteur aura des obligations envers les passagers, indique le projet de loi déposé au printemps. Ces « normes minimales à respecter quant au traitement des passagers » restent à définir, mais un climat adéquat, de l'eau, de la nourriture et des articles pour bébé sont envisagés, nous dit-on.

Ce serait un net progrès par rapport à la situation qui prévaut actuellement au Canada, où les transporteurs déterminent eux-mêmes leurs obligations. Les clauses d'Air Transat pour ce type de vol indiquent que le transporteur n'est pas responsable de l'inexécution de ses obligations en cas de force majeure - incluant un orage.

Cela dit, une charte des voyageurs ne règle pas tout. Témoin ce passager d'EasyJet frappé par un employé à l'aéroport de Nice la fin de semaine dernière, alors qu'il tenait son bébé dans les bras et que le vol accusait 13 heures de retard. L'homme ne travaillait pas pour le transporteur, mais pour un sous-traitant de l'aéroport. N'empêche : l'existence de son emploi étant liée à celle des voyageurs, on se serait attendu à ce qu'il s'en souvienne. Malheureusement, c'est une donnée que l'industrie aérienne semble perdre de plus en plus de vue.

Souvenez-vous de ce passager sorti d'un avion avec une brutalité inouïe pour avoir osé refuser de céder son siège en avril dernier... et de la réaction initiale du grand patron de United, qui a félicité son personnel d'avoir suivi les procédures.

Tous les abus ne sont pas aussi spectaculaires. Il en existe de plus subtils, comme la réduction constante de l'espace individuel en classe économique.

Choqué par l'avidité des transporteurs, un tribunal vient d'ordonner à la Federal Aviation Administration d'envisager un moratoire sur la réduction de la taille et de l'espacement des sièges, pour des raisons de sécurité. C'est « une question de physique élémentaire », a souligné l'une des juges.

Et traiter les passagers avec les égards dus à des clients, c'est une question de décence élémentaire quand on travaille dans un secteur de services. Il serait temps que l'industrie aérienne s'en souvienne.

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