On n'a plus seulement une intention, mais une date : les gras trans artificiels seront interdits dans les aliments vendus au Canada à partir de l'été prochain, prévoit Ottawa. Après plus d'une décennie d'attente, ce n'est pas trop tôt. La ministre fédérale de la Santé, Jane Philpott, doit tenir son bout, et ne pas reculer devant les industriels qui réclament des délais supplémentaires.

Cela fait déjà une douzaine d'années que Santé Canada a créé un groupe d'étude pour lui dire comment éliminer, ou réduire au minimum, les gras trans dans les aliments vendus au pays. En 2007, hélas, Ottawa a plutôt opté pour des cibles volontaires. C'était il y a 10 ans. Et s'il est vrai que beaucoup de fabricants ont éliminé les gras trans artificiels depuis, on en trouve encore dans plusieurs catégories de produits, notamment en boulangerie et en pâtisserie, ainsi que dans des margarines et des shortenings.

«Maintenir la démarche volontaire actuelle ne réglerait pas le cas des produits qui contiennent toujours des [huiles partiellement hydrogénées] et resterait insuffisant pour atteindre l'objectif de santé publique», conclut Santé Canada dans un avis publié vendredi dernier.

Les huiles partiellement hydrogénées (HPH) sont la principale source de gras trans dits artificiels ou industriels. Si leur capacité à améliorer la texture et la durée de conservation des aliments est appréciée des transformateurs, ces ingrédients n'offrent aucun avantage pour la santé humaine.

Au contraire, les gras trans augmentent le risque de maladie coronarienne, qui est l'une des principales causes de décès au pays.

Le Ministère propose donc d'ajouter ces huiles à la partie 1 de sa Liste des contaminants et des autres substances adultérantes dans les aliments, en compagnie d'une quinzaine d'autres indésirables, dont l'huile minérale, la paraffine et la vaseline. «En ajoutant les HPH à la partie 1 de la Liste, tout aliment en contenant serait déclaré comme falsifié, et sa vente au Canada serait interdite», explique l'avis.*

Santé Canada adopte ainsi une démarche semblable à celle de la Food and Drug Administration (FDA) américaine, qui a retiré aux HPH leur statut de substances «généralement reconnues sécuritaires». L'interdiction canadienne, prévue pour l'été 2018, suivrait de peu celle des États-Unis, le 18 juin 2018.

Bon débarras? Pas encore, malheureusement. Contrairement à la FDA, qui a pris une résolution finale, Ottawa en est encore à l'étape de la proposition.

Et certains tentent de maintenir le Canada dans son état de cancre des gras trans.

La consultation lancée à l'automne dernier a reçu plus de 550 commentaires. La quasi-totalité des consommateurs, des participants du domaine de la santé et des milieux universitaires, ainsi que des porte-parole du gouvernement et d'organisations non gouvernementales, ont appuyé l'interdiction.

Par contre, la plupart des associations de l'industrie s'y sont opposées, affirmant que le cadre volontaire actuel fonctionne très bien merci. Pis encore, la plupart de leurs porte-parole soutiennent que les 12 mois de transition prévus ne suffiront pas. Ils demandent de deux à cinq ans pour s'adapter.

Santé Canada, heureusement, a maintenu le cap sur l'été 2018. Espérons que la ministre Philpott se montrera aussi ferme.

Ce n'est pas comme si la décision était une surprise.

La commande d'éliminer les gras trans en adoptant un règlement semblable à celui des États-Unis figure dans la lettre de mandat remise par le premier ministre à l'automne 2015, et Mme Philpott a confirmé son intention d'aller de l'avant en octobre dernier.

De plus, beaucoup d'entreprises ont fait une croix sur les huiles partiellement hydrogénées bien avant cela, conscientes que celles-ci étaient de plus en plus mal vues sur les listes d'ingrédients. Les transformateurs qui continuent d'en utiliser ont déjà beaucoup profité de l'inertie d'Ottawa. On ne va quand même pas les récompenser en leur accordant un délai supplémentaire!

* Les gras trans peuvent aussi être naturellement présents dans les aliments provenant de ruminants, comme le lait et le boeuf, mais les gras trans dits naturels ne sont pas visés par l'interdiction.

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