Contrairement à ce qu'affirment beaucoup d'automobilistes, les distractions n'ont pas toutes le même impact. Et les statistiques sur les accidents de la route, qui ne font pas de différence entre un texto, un café ou une conversation avec un passager, entretiennent la confusion. Si l'on veut que les conducteurs changent leurs habitudes, il va falloir mieux démontrer les risques.

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ACCIDENTS IMPLIQUANT DE LA DISTRACTION

2003 à 2007-2011 à 2015

Mortels : 28% 32,5%

Avec dommages corporels : 48,4% 50,2%

Source : Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ)

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Comme on le voit, la distraction est de plus en plus souvent en cause dans les accidents de la route.

Dans les statistiques de collisions d'autres provinces canadiennes, le facteur «distraction» est même cité aussi souvent, et dans certains cas plus souvent, que le facteur «facultés affaiblies», signale la Fondation de recherches sur les blessures de la route.

Le cellulaire est l'une des principales sources de distraction, affirme la SAAQ. Même son de cloche à l'Association canadienne des automobilistes (CAA). «La majorité des policiers et agents de la GRC à qui nous parlons nous disent que la majorité de la distraction vient du cellulaire», indique la porte-parole Kristine D'Arbelles.

Hélas, ni les statistiques québécoises ni celles du reste du Canada ne font ressortir ce facteur. À la SAAQ comme dans les autres provinces, on doit se fier aux constats remplis par les policiers. Or, l'usage du téléphone durant une collision n'est pas toujours évident, et les registres des fournisseurs ne sont pas facilement accessibles. Et de toute façon, la présence du cellulaire ne sera pas forcément notée.

Le National Safety Council américain a réexaminé un échantillon d'accidents pour lesquels il pouvait prouver l'usage du cellulaire. Dans plus de la moitié des cas, cette information était absente de la base de données gouvernementales.

«La sous-déclaration de l'usage du cellulaire dans les collisions entraîne une sous-estimation importante de la menace.» - Extrait d'un document du National Safety Council américain

Pas étonnant que tant de gens (dont des lecteurs publiés dans l'écran suivant) considèrent le cellulaire comme une simple distraction parmi d'autres.

Ça ne tient pas la route, montre une étude que vient de publier l'État de Washington. Sur plus de 22 000 conducteurs observés, près de 10% s'adonnaient à une activité qui détournait leur attention (fumer, manger, lire, se pomponner, rêvasser, interagir avec les passagers ou les contrôles du véhicule, utiliser un appareil électronique). Et que faisaient-ils? Au moins 71% avaient leur cellulaire à la main. Les autres distractions mises ensemble ne représentaient donc que 29% des cas.

Risques particuliers

Le cellulaire n'est pas seulement une distraction plus fréquente, il comporte des risques particuliers.

Des chercheurs américains parlent même de «cécité de l'inattention», après avoir constaté que les automobilistes parlant au téléphone en mains libres étaient deux fois moins susceptibles de se rappeler les objets croisés en chemin.

Utiliser un cellulaire au volant rend plus susceptible de commettre une infraction (brûler un feu rouge ou un arrêt, ignorer la priorité d'un autre usager, etc.) et multiplie le risque d'accident par près de quatre, montrent des études citées par la SAAQ.

On sait depuis longtemps que téléphoner en mains libres est aussi distrayant qu'avec un cellulaire à la main, mais l'usage de plus en plus répandu des textos ajoute un degré de dangerosité. Texter incite à quitter la route des yeux durant cinq secondes en moyenne, montre une étude de Virginia Tech. À 88 km/h, vous aurez parcouru la longueur d'un terrain de football sans regarder devant vous.

Une enquête pour mieux évaluer l'ampleur de la distraction au volant, dans laquelle des appareils de communication électroniques sont utilisés, est en cours, nous dit-on à Transport Canada.

Il en faudrait davantage, car sans données précises et récentes, conducteurs et élus vont continuer à sous-estimer les risques du cellulaire au volant.

«Les législateurs devraient présumer que l'implication du cellulaire dans les collisions est substantiellement plus élevée que ce que montrent les statistiques», recommande d'ailleurs le NSC aux États-Unis.

Dans l'état actuel des connaissances, c'est en effet la meilleure façon de ne pas se tromper.

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