La mystérieuse banque mise à l'amende par le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) est la Manuvie, a-t-on finalement appris cette semaine. Taire son nom n'était pas une bonne idée, a reconnu le directeur du Centre. Ce n'est pas trop tôt. Peut-on nous garantir que ça ne se reproduira pas ?

« En décidant d'exercer mon pouvoir discrétionnaire et de ne pas dévoiler le nom de la banque, je suis conscient que cela a peut-être été à l'encontre des attentes du public en matière d'ouverture et de transparence », a admis Gérald Cossette dans un communiqué lundi.

L'aveu, on le voit, est fait du bout des lèvres. Ce n'est pas rassurant.

Le CANAFE est critiqué depuis près d'un an pour avoir refusé de divulguer le nom de la première banque canadienne pénalisée en vertu de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.

La confidentialité accordée à l'institution fautive est d'autant plus inexplicable qu'il ne s'agit pas de menue monnaie. La pénalité record de 1,15 million couvre cinq motifs. La banque a notamment omis de déclarer une opération douteuse, ainsi que le télévirement d'au moins 10 000 $, aussi bien en provenance qu'en direction de l'étranger.

Et en couvrant la délinquante, le CANAFE a rendu tout le secteur bancaire suspect. Les six grandes banques canadiennes ayant rapidement nié toute implication, les soupçons se sont reportés sur les petites institutions. « Beaucoup de nos petites banques ont subi des pressions considérables pour confirmer qu'elles n'ont pas [...] d'amende », a témoigné un directeur du Bureau du surintendant des institutions financières dans un courriel interne.

Comment s'en étonner ? Le mutisme du CANAFE a alimenté les spéculations, au point que même la propriétaire de la banque prise en faute a senti le besoin de calmer le jeu. « Manuvie n'a pas permis ni facilité d'activités de blanchiment d'argent », a précisé la Société financière Manuvie dans son communiqué.

Malheureusement, le Centre ne semble toujours pas convaincu de l'importance de nommer les acteurs pris en défaut.  « Nous croyons [que les entreprises] ont très bien compris le message de dissuasion », a assuré M. Cossette en citant la hausse du nombre de déclarations qui a suivi l'annonce de la pénalité.

Le CANAFE, qui est peu connu du grand public, doit réaliser qu'il n'a pas le monopole de la dissuasion.

Les citoyens, consommateurs et actionnaires pèsent au moins aussi lourd dans la balance. Lorsqu'ils s'expriment, de vive voix ou par leur portefeuille, les entreprises les entendent. Mais pour qu'ils puissent jouer leur rôle, il faut les tenir au courant.

Le Centre est en train de revoir ses politiques de pénalités et va discuter de leur cadre législatif avec le ministère des Finances, a indiqué son directeur.

Ce sera à suivre. Les transactions financières douteuses se trament dans l'ombre. Le CANAFE, qui a été créé pour lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, devrait se faire un point d'honneur de les exposer au grand jour, et non pas chercher à en protéger le secret.

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