Surtout ne pas chercher à voir, ni à entendre, ni à communiquer efficacement... Le ministère de la Sécurité publique nous avouerait qu'il a confié son système de réinsertion aux fameux trois petits singes qui se couvrent les yeux, les oreilles et la bouche qu'on ne serait même pas surpris. Les constats de la vérificatrice générale Guylaine Leclerc sont accablants. Cette fois, il va falloir plus que des belles promesses.

Bien que la réinsertion sociale soit au coeur de la Loi sur le système correctionnel, son fonctionnement laisse grandement à désirer, montre le rapport du Vérificateur général du Québec publié mercredi. « Le Ministère n'assure pas toujours le meilleur cheminement des personnes contrevenantes ou prévenues, ce qui risque de freiner leurs progrès en termes de réinsertion sociale. De plus, il ne mesure pas le résultat de ses efforts. »

Les programmes de réinsertion ne sont pas là pour occuper les gens pendant qu'ils purgent leur peine, ou pour donner bonne conscience au reste de la population.

Si on investit des millions là-dedans, c'est avant tout pour réduire les risques de récidive.

Le hic, c'est que le ministère de la Sécurité publique ne s'est jamais vraiment donné la peine de mesurer l'efficacité des programmes. Comment, dans ces conditions, distinguer ce qui fonctionne, et mérite d'être financé, de ce qui ne donne rien, et doit être abandonné ? La question n'est pas nouvelle. Elle s'est posée dans plusieurs ministères pour une flopée de programmes. Les conséquences, par contre, sont autrement plus graves ici. Ce ne sont pas seulement des fonds publics qui sont en jeu, mais la sécurité de la population.

Autre découverte préoccupante : les rencontres prévues pour vérifier que les contrevenants bénéficiant d'une peine avec sursis respectent leurs conditions n'ont souvent pas lieu. En 2014-2015, plus d'une visite sur cinq (22 %) n'a pas été effectuée. Une personne qui devait en avoir douze n'en a eu que quatre, et seulement durant la première moitié de sa peine, signale la vérificatrice. Certes, il s'agit de contrevenants condamnés à moins de deux ans, et qui ont convaincu le tribunal qu'ils ne présentaient pas de danger pour la communauté. Mais comme le note le rapport, ce sursis s'accompagne souvent de contraintes (détention à domicile, couvre-feu, etc.). En ne les faisant pas respecter, la Sécurité publique sape le travail des tribunaux et alimente la frustration du public envers la Justice.

Les deux ministères sont d'ailleurs logés à la même enseigne défraîchie en matière d'informatique.

L'idée d'un dossier unique pour chaque prévenu n'a rien de révolutionnaire. Elle figurait déjà dans les recommandations du rapport Corbo sur les libérations conditionnelles en 2001. Quinze ans plus tard, plusieurs parties des dossiers sont encore sur support papier et, donc, souvent absentes au moment critique. À la commission des libérations conditionnelles, près d'une audience sur trois fait l'objet d'un report, souvent à cause de documents manquants, signale la vérificatrice.

Plusieurs des points soulevés font déjà l'objet de travaux, a fait savoir le Ministère. Des projets ont été lancés pour évaluer les programmes et les récidives, du financement a été demandé au Conseil du trésor pour un système de dossier unique. Et le ministre de la Sécurité publique Martin Coiteux, qui a tant poussé pour que les programmes soient évalués lorsqu'il était au Trésor, promet d'améliorer la situation.

On demande à voir. Des projets de modernisation informatique sont déjà tombés à l'eau dans ce ministère et de façon générale, les ressources et le personnel n'ont pas suivi l'augmentation de la population carcérale. La Sécurité publique aura fort à faire pour redresser son dossier.

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