Le Canada, un pays riche ? Si vous avez l'impression que cette prospérité vous est passée sous le nez, vous n'avez sans doute pas tort. Le produit intérieur brut (PIB) du Canada a progressé presque quatre fois plus rapidement que le bien-être de la population, signale l'Indice canadien du mieux-être, un organisme situé à l'Université de Waterloo.

Un rappel que la croissance est une condition nécessaire, mais non suffisante, à l'amélioration de la qualité de vie.

« Bien que le Canada puisse se vanter d'être l'un des pays les plus prospères au monde, ainsi que d'avoir évité les pires impacts de la récession de 2008, nous ne pouvons pas nous vanter que le mieux-être des Canadiens ait suivi le rythme », souligne le rapport publié hier.

L'indice canadien du mieux-être (ICM) se fonde sur près de 200 sources de données indépendantes, dont la plupart proviennent de Statistique Canada. L'indice 2016 couvre deux décennies, de 1994 à 2014. Durant cette période, il a progressé d'à peine 10 %, alors que le PIB a augmenté de presque 40 %, révèle l'organisme.

Toutefois, le calcul détaillé de l'indice révèle un portrait nettement plus contrasté.

Du côté du niveau de vie, effectivement, on se croirait dans un jeu de serpents et échelles. Les gains de 23 % enregistrés entre 1994 et 2008 ont pratiquement fondu de moitié depuis la récession et les inégalités de revenus se sont creusées. Dans l'ensemble, moins de gens vivent dans la pauvreté, mais les Canadiens consacrent une plus grande partie de leur revenu à se loger et l'insécurité alimentaire continue de se répandre.

Même si le taux de chômage est relativement sous contrôle, la situation de l'emploi n'est pas parfaite pour autant. La proportion de Canadiens qui travaillent à temps partiel parce qu'ils ne trouvent pas mieux a augmenté de 13 % depuis la récession, alors qu'elle avait diminué au cours de la décennie précédente. Les employés qui travaillent de soir et de fin de semaine ne le font pas tous par choix non plus. Et comme ils sont de plus en plus nombreux, on peut penser que davantage de travailleurs sont insatisfaits de leur condition - d'autant que les horaires atypiques sont davantage le lot des ménages à faible revenu.

Cette précarité n'est pas sans conséquence. Dans les ménages qui gagnent moins de 40 000 $ par an, moins d'une personne sur deux se sent en très bonne ou en excellente santé, alors que dans les ménages gagnant plus de 80 000 $, c'est plus de deux personnes sur trois.

Regarder au-delà du sempiternel PIB permet de voir ce qui laisse à désirer et devrait être pris en compte dans les politiques publiques.

Mais on ne peut pas non plus aller contre les choix personnels. Si les Canadiens tiennent mordicus à un style de vie et d'habitation précis, il ne faut pas s'étonner que les déplacements s'allongent, et que les gens aient moins de temps libre pour tout le reste, y compris le sommeil.

Et qu'est-ce que le bien-être ? La réponse varie beaucoup d'une personne à l'autre. Si l'on donnait à chacun la possibilité de créer son propre indice en tenant compte de ses priorités, on aurait des résultats très différents de l'ICM publié hier.

Celui-ci n'est d'ailleurs pas si morose qu'on pourrait le croire à première vue. En éducation, l'une des huit composantes de l'indice, la situation s'est améliorée de 33 % en 20 ans, soit presque autant que le PIB. Au primaire, les fonds ont augmenté et le nombre d'élèves par enseignant a diminué. Le taux de diplomation a progressé au secondaire. Et malgré la hausse des frais universitaires, la proportion d'adultes de 25 à 64 ans qui possèdent un diplôme universitaire a presque doublé. Voilà autant d'éléments concrets qui devraient, à terme, avoir des effets positifs sur l'emploi, la santé et, ultimement, la qualité de vie.

Progression sur 20 ans

PIB +38 %

Indice canadien du mieux-être : +9,9 %

Source : Rapport national de l'ICM 2016 (1994 à 2014)

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