Une dizaine de postes administratifs du secteur de la santé seront transférés de Lac-Mégantic à Sherbrooke, a-t-on appris récemment. Cette décision du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) régional peut sembler bénigne dans le grand bouleversement du réseau. Dans le contexte particulier de Lac-Mégantic, toutefois, c'est un geste malavisé qui sape les efforts de relance. Québec ne peut pas prétendre aider cette communauté à se relever et, en même temps, lui enlever des postes essentiels à sa vitalité.

Pour l'instant, six travailleurs du Centre de santé et de services sociaux (CSSS) du Granit doivent décider s'ils déménagent à Sherbrooke et trois autres pourraient rester sur place, mais à terme, le résultat sera le même : ces emplois de qualité n'existeront plus à Lac-Mégantic - tout comme les postes du directeur général et des cadres  responsables des huit directions du CSSS, supprimés avec le projet de loi 10. À cela s'ajoutent le poste du directeur local du Centre d'études collégiales, également supprimé, celui de l'agronome du Centre de services agricoles, qui n'est pas remplacé, et la réorganisation imposée par la baisse dramatique du financement des Centres locaux de développement. D'autres emplois publics seraient également menacés.

Évidemment, Lac-Mégantic n'est pas la seule ville touchée par les conséquences des coupes ordonnées par Québec ces dernières années. D'autres municipalités isolées peuvent en témoigner, notamment en Gaspésie.

La suppression de ce type d'emplois a un impact majeur dans une petite localité de quelques milliers d'habitants.

Les travailleurs touchés trouvent rarement des conditions équivalentes sur place, de sorte que plusieurs se voient forcés de déménager avec leur famille, privant la communauté de leur pouvoir d'achat, de leur implication bénévole et de leurs enfants. Et avec la suppression de ces postes, c'est une chance d'attirer des travailleurs de l'extérieur qui disparaît.

Lac-Mégantic, cependant, est un cas à part. Le déraillement qui a rayé son centre-ville de la carte il y a moins de trois ans a fait 47 morts et 27 orphelins, sur 6000 habitants. Le moral et la résilience de la population, impressionnants au lendemain de la tragédie, se sont détériorés, montre une enquête récente de la direction de santé publique. Un Méganticois sur sept présente des troubles anxieux, une proportion deux fois plus élevée que dans le reste de l'Estrie. La durée des travaux n'est pas étrangère au phénomène. La décontamination des quelque 2 km carrés de sols pollués par plus de 6 millions de litres de pétrole brut a nécessité deux ans à elle seule. La reconstruction est donc loin d'être terminée.

Les gouvernements ont peut-être l'impression d'avoir déroulé le tapis rouge avec les centaines de millions de dollars promis à Lac-Mégantic. En fait, la plus grande part va à la décontamination et à la reconstruction, c'est-à dire à remettre les compteurs à zéro. Les fonds alloués au développement économique aideront la ville à trouver un nouveau souffle, sauf qu'avant de pouvoir parler de croissance, il y a beaucoup de temps perdu à rattraper. Bref, on n'est pas dans le déroulement de tapis rouge, mais dans le remplacement de moquette après sinistre. Et en éliminant des emplois de qualité au moment où Lac-Mégantic commence à se reconstruire, le gouvernement lui tire carrément le tapis sous les pieds. Peut-on imaginer plus contre-productif ? Québec doit s'assurer que les postes relevant de ses divers ministères restent à Lac-Mégantic, et qu'il ne vient pas aggraver une situation que tous s'efforcent de redresser.

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