En réalignant leurs budgets pour inciter les manufacturiers à investir dans des équipements et des procédés à la fine pointe, la ministre de l'Économie et le PDG d'Investissement Québec ont envoyé un double message cette semaine. Le secteur a encore un rôle majeur dans l'économie, mais on ne peut plus le tenir pour acquis. Le signal est bienvenu. Cependant, il n'aura de portée que si les entreprises y font écho.

Environ 1,4 milliard provenant des fonds propres d'Investissement Québec et du Fonds du développement économique a été alloué au secteur manufacturier au cours des trois dernières années. Là-dessus, 200 millions ont servi à l'innovation. Cette enveloppe triennale sera portée à 700 millions, a annoncé la ministre Dominique Anglade jeudi. Pas d'argent supplémentaire donc, mais une réallocation. N'empêche, si les choses se font comme elles ont été présentées, c'est un virage significatif. Dans bien des cas, le soutien financier sera conditionnel à l'implantation de machinerie ou de procédés des plus performants, a fait savoir le patron d'Investissement Québec, Pierre Gabriel Côté.

L'automatisation, la robotisation et l'amélioration des processus vont de soi dans les domaines de pointe comme l'aérospatiale. Le réflexe, malheureusement, est loin d'être acquis dans l'ensemble du secteur manufacturier québécois.

Mme Anglade et M. Côté, deux ingénieurs ayant travaillé en usine, l'ont dit plus durement en conférence de presse. La contribution du manufacturier au produit intérieur brut s'est effritée depuis l'an 2000, passant de près de 21 % à moins de 15 %. Si rien n'est fait, c'est le déclin assuré.

Utiliser les programmes de financement comme levier pour forcer le changement est une bonne idée, mais ce n'est pas gagné. Les investissements des entreprises reculent depuis trois ans, et le plus récent budget Leitao n'entrevoit pas de remontée avant l'an prochain.

Le phénomène n'est pas unique au Québec. On le voit dans le reste du Canada comme ailleurs : les entreprises, même lorsqu'elles disposent de liquidités importantes, hésitent à investir. Le Québec doit cependant composer avec des facteurs aggravants. Une part importante du secteur manufacturier est constituée de PME disposant de peu de capitaux. Et les entrepreneurs, comme le reste de la population, vieillissent - un phénomène d'autant plus préoccupant que 40 % d'entre eux n'ont pas de relève. Ça commence à faire pas mal de gens qui, a priori, ne sont pas portés à consacrer des sommes importantes à leurs usines.

Le président de Manufacturiers et Exportateurs du Québec a néanmoins accueilli l'annonce avec enthousiasme. Les manufacturiers qui n'innovent pas déjà veulent le faire, assure Éric Tétrault.

Souhaitons-le. En plaçant le domaine manufacturier innovant au coeur de ses priorités, la nouvelle ministre de l'Économie, de la Science et de l'Innovation a déjà beaucoup fait pour dépoussiérer l'image du secteur. Il faut maintenant que les entreprises fassent leur part.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion