Depuis l'arrivée d'Uber et d'Airbnb, on s'attend à tout. En théorie, tous les secteurs d'activité risquent de se faire bousculer par une nouvelle génération de concurrents prêts à tout pour leur ravir des parts de marché. En pratique, on est encore loin du compte. Aux États-Unis, plusieurs prennent l'eau et le capital de risque se raréfie.

Notre voisin américain nous donne une vue imprenable sur le phénomène. Au lieu du tsunami annoncé, on voit plutôt se profiler une série de petites vagues bien distinctes. Le service de voiturier à qui vous pouvez laisser votre voiture n'importe où au lieu de chercher un stationnement. La livraison de repas, de l'épicerie, et d'à peu près n'importe quoi. Du personnel pour faire votre ménage, votre lavage ou votre jardinage.

À en juger par la trajectoire récente de ces vagues, plusieurs ne se rendront pas jusqu'ici. Certaines, d'ailleurs, se sont déjà brisées, comme SpoonRocket, qui livrait des repas santé maison à San Francisco. Après avoir récolté 13,5 millions de dollars américains en trois ans, l'entreprise a fermé ses portes il y a deux semaines, incapable d'attirer davantage de fonds.

Il faut dire que le créneau est déjà bien occupé et le nombre de marchés potentiels, limité. Il faut une masse critique de consommateurs prêts à payer pour ce genre de service et leur offrir une expérience impeccable avec un bon rapport qualité-prix... le tout dans un secteur d'activité où les marges sont minces.

Le terme « ubérisation de l'économie », né de la crainte de voir de jeunes loups technos tout bouleverser, y compris les conditions de travail, pourrait bien faire long feu. De plus en plus d'observateurs reconnaissent que la force de frappe d'Uber est difficile à reproduire.

Un chroniqueur techno du New York Times l'a souligné encore cette semaine, citant le livreur de repas DoorDash, dont la valeur vient d'être revue à la baisse avec sa nouvelle ronde de financement. Et plusieurs services à la demande ont dû se retirer de certains marchés, signalait le Financial Times le mois dernier.

Rappelons qu'il s'agit souvent d'entreprises en démarrage, qui privilégient la croissance avant la rentabilité. C'est une stratégie qui se défend, tant que vous avez des financiers prêts à l'appuyer. Sauf que les bailleurs de fonds ont moins d'appétit pour ces services dits « à la demande ».

Un peu moins de deux milliards ont été accordés durant les trois derniers mois de 2015, contre cinq à sept milliards les trimestres précédents, signale la firme CB Insights. De plus, près de 60 % des fonds investis durant l'année sont allés à trois acteurs, dont Uber et Airbnb. Les quelque 200 autres ont dû se partager le reste.

L'application utilisée par les consommateurs n'est qu'une vitrine. Derrière, tous les rouages traditionnels doivent baigner dans l'huile, y compris le recrutement et la rétention des travailleurs, aussi autonomes soient-ils. L'argent frais est un lubrifiant bien commode, mais quand il se raréfie, les entreprises sont rattrapées par la réalité.

Le secteur des services à la demande est là pour rester, mais ce n'est pas le cas de toutes les entreprises qui le composent. Et la plupart n'arriveront probablement jamais jusqu'ici.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE PAGE FACEBOOK DE DOORDASH

La valeur du livreur de repas à domicile DoorDash vient d’être revue à la baisse.

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