Quand votre principal client devient votre plus gros concurrent, vous avez un sérieux problème. C'est ce que la production québécoise de sirop d'érable est en train de vivre avec les États-Unis. Rien ne sert de le nier, il faut s'adapter.

Quand votre principal client devient votre plus gros concurrent, vous avez un sérieux problème. C'est ce que la production québécoise de sirop d'érable est en train de vivre avec les États-Unis. Rien ne sert de le nier, il faut s'adapter.

« Si le système mis en place a connu des succès certains, il a besoin d'être simplifié, assoupli, oxygéné », souligne le rapport Gagné rendu public jeudi.

Abolir les limites à la production, permettre aux producteurs de vendre leur sirop en vrac eux-mêmes : certains pourraient être tentés d'y voir une attaque frontale contre la mainmise de la Fédération des producteurs acéricoles du Québec, mais ces recommandations sont pleinement justifiées.

Les conclusions de Florent Gagné, haut fonctionnaire de carrière mandaté par le ministre de l'Agriculture Pierre Paradis, sont la suite logique d'un précédent rapport que la Fédération avait elle-même commandité en partenariat avec le Conseil de l'industrie de l'érable.

Le secteur est tributaire des marchés extérieurs

Environ 70 % de la production est exportée

66 % de ces exportations vont aux États-Unis

Sauf que du sirop, les Américains en font aussi, et de plus en plus.

Depuis 10 ans, leur production a augmenté de plus de 45 %

À ce rythme, les Américains pourraient bientôt produire les 60 à 70 millions de livres qu'ils consomment annuellement, a fait valoir le ministre Paradis en conférence de presse.

Ce n'est pas tout. On estime qu'environ 200 millions d'entailles peuvent être mises en service rapidement aux États-Unis. Or, seulement 6 % sont exploitées en ce moment.

Les Américains disposent donc d'un potentiel considérable pour concurrencer notre sirop, chez eux comme à étranger. Le Québec, qui a longtemps détenu près de 80 % du marché mondial, a vu sa part reculer à 69 % depuis 10 ans. Si rien n'est fait, il pourrait perdre un autre 10 % d'ici 2025, craint le ministre.

Si rien n'est fait, les producteurs des États-Unis, comme ceux de l'Ontario et des Maritimes, vont conserver un avantage majeur : la flexibilité. Celle de développer les marchés et d'augmenter leur production comme bon leur semble, sans autre limite que leurs ressources financières. Dans un marché en croissance comme celui des produits de l'érable, cette capacité d'aller chercher de nouveaux clients et d'augmenter le débit rapidement est indispensable. Les producteurs québécois qui ont envie de relever ce défi doivent pouvoir sortir du cadre de mise en marché actuel.

Pour cela, il faudrait modifier la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, note le rapport Gagné. Ce n'est pas faisable avant le temps des sucres, mais si on ne veut pas en être au même point l'an prochain, il faut s'activer.

Heureusement, le ministre Paradis semble convaincu. La faiblesse du dollar est propice, a-t-il indiqué en affirmant qu'il n'avait pas l'habitude de tabletter des rapports.

Ce sera à surveiller. La consommation mondiale, nous l'avons dit, est en augmentation. Le Québec a donc réussi à accroître ses ventes même s'il a perdu des parts de marché. Il peut être tentant de se laisser porter par la vague, mais ce serait la pire chose à faire.

Les entreprises dominantes ont tendance à sous-estimer le danger que représente la lente érosion de leurs parts de marché. C'est un peu comme l'érosion des glaciers. Pendant longtemps, on n'en fait pas de cas, le travail de sape sous-marin passe inaperçu... jusqu'au jour où un iceberg de plusieurs milliers de kilomètres carrés fiche le camp. Rendu là, il est trop tard pour le rattraper.

L'acériculture québécoise a encore une longueur d'avance, il ne faut pas la gaspiller. On doit être plus présent à l'étranger, pour que les consommateurs associent le produit au Québec et non à n'importe quelle région d'Amérique du Nord. Et mettre beaucoup plus l'accent sur les particularités gustatives et le terroir des sirops. Il est encore temps, mais personne n'attendra après nous.

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