Loin d'être atypique, la participation de la Caisse de dépôt dans Bombardier Transport s'inscrit dans un courant dominant chez les gestionnaires de grandes caisses de retraite, qui misent de plus en plus sur des actifs non traditionnels. Une stratégie quasi inévitable dans le contexte actuel, mais dont on ne connaît pas encore toutes les conséquences.

«Nous avons structuré un investissement qui est presque parfaitement aligné aux besoins et aux attentes de nos déposants», s'est félicité le grand patron de la Caisse, jeudi dernier. Le fait que Bombardier Transport soit un leader mondial générant des flux de trésorerie significatifs et que la demande de véhicules sur rail soit en croissance en Asie et en Amérique latine ajoute à l'attrait du rendement annuel de 9,5%, a fait valoir Michael Sabia.

Ce placement privé ne répond pas seulement aux critères de la Caisse. Il s'inscrit dans une tendance. Même si les instruments traditionnels comme les actions et les obligations demeurent le pain et le beurre des gestionnaires de régimes de retraite, ceux-ci s'intéressent de plus en plus à des actifs dits «alternatifs», soulignait récemment l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Et le Canada est l'un des pays où l'exposition des fonds de retraite à de tels actifs a le plus augmenté depuis 10 ans, montre le rapport Pension Markets in Focus.

Témoin l'autoroute à péage Chicago Skyway, qui vient d'être rachetée par les ontariennes Teachers' et OMERS avec l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada. Plusieurs villes et pays espèrent ainsi développer leurs infrastructures de transport avec l'aide des fonds de retraite locaux ou, à défaut, étrangers - comme l'Inde, qui courtise les Japonais pour moderniser son réseau ferroviaire.

Les gestionnaires sont en quête de meilleurs rendements, stables et récurrents, et d'actifs moins volatils. Il est toutefois un peu tôt pour crier victoire.

Certes, les pays de l'OCDE dont les régimes de retraite affichent les meilleurs rendements, le Danemark et les Pays-Bas, sont des endroits où la part des actifs alternatifs dans les portefeuilles a sensiblement augmenté. Sauf que la tendance a moins de 15 ans et n'a pas encore traversé beaucoup de cycles économiques, rappelle Michel Magnan, professeur à l'école de gestion John-Molson de l'Université Concordia et co-auteur d'un rapport sur le sujet. Ces actifs plus complexes et beaucoup moins liquides comportent des risques nouveaux, note le rapport publié le mois dernier par le CIRANO.

On se demande aussi quel impact le rôle plus actif des caisses de retraite aura sur leur image.

Pour l'instant, leur argent est généralement bien accueilli dans les projets d'infrastructure publics, du moins par les élus. Ceux-ci y voient une source de financement socialement plus acceptable et moins associée au spectre de la privatisation que les fonds d'investissement purement privés. Les régimes de retraite ne sont toutefois pas à l'abri de la controverse. Le géant américain TIAA-CREF, qui gère des fonds de plusieurs pays, dont le Canada, s'est fait récemment reprocher d'avoir contrevenu aux règles brésiliennes sur la propriété des terres agricoles et dépouillé des paysans. Il faudra voir si cette histoire éclabousse les régimes de retraite qui ont investi dans l'aventure.

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