Deux nouveaux traitements de l'hépatite C, à la fois très efficaces et extrêmement coûteux, placent le régime d'assurance médicament dans une situation problématique : comment bénéficier de ces avancées majeures sans faire sauter la caisse ? Dans ce cas précis, Québec a décidé de rendre les traitements disponibles à tous, mais sur plusieurs années, en priorisant les cas les plus graves. Une expérience dont il sera essentiel de surveiller le déroulement.

Les médicaments Harvoni et Holkira Pak représentent une avancée majeure dans le traitement de la forme d'hépatite C la plus courante au Québec, le génotype 1, qui touche 62 % des personnes infectées. Contrairement aux thérapies à l'interféron, qui comportent d'énormes effets secondaires avec un taux de succès moindre, ces nouvelles substances permettent un taux de guérison de plus de 90 % en quelques mois, et ce, pratiquement sans effets indésirables.

Bref, si ce n'était de leur prix, il n'y aurait pas lieu d'en discuter. Hélas, leur coût est prohibitif, comme celui de plusieurs nouveaux médicaments. La note est d'autant plus salée que, contrairement à d'autres molécules chères, celles-ci s'adressent à un grand nombre de patients. 

Les offrir aux quelque 18 600 Québécois infectés qui sont assurés au public coûterait un milliard, indique l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux (INESSS) dans son avis au ministre de la Santé. Et ça n'inclut pas les 30 % de porteurs du virus assurés au privé. « Cet impact budgétaire majeur, qui pourrait compromettre la pérennité du régime général d'assurance médicaments, exige de faire des choix difficiles », explique l'INESSS.

Ce choix, difficile pour les malades comme pour les soignants, est de réserver les traitements aux patients dont le foie est le plus atteint dans l'année à venir, et d'élargir progressivement l'offre au cours des cinq années suivantes, toujours en tenant compte de la gravité de l'état.

Disons-le franchement : ce n'est pas idéal, ni pour les patients ni du point de vue de la santé publique. Bien que l'hépatite C évolue lentement, la perspective d'attendre plusieurs années avant d'être soigné n'a rien d'agréable. Et la réduction attendue du nombre de nouveaux cas se fera plus lentement puisque les personnes encore infectées pourront transmettre le virus.

Cela dit, tous les patients auront accès au traitement d'ici six ans. C'est mieux que la recommandation de l'Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé, qui exclut les patients au stade précoce (score Metavire F0 et F1). Et mieux que certains assureurs américains, qui rejettent les patients les moins malades ou ne remboursent qu'une des deux molécules.

En fait, ces traitements qui coûtent des dizaines de milliers de dollars, mais qui ont la capacité de régler un problème en quelques semaines ressemblent davantage à des opérations coûteuses comme des chirurgies cardiaques qu'à des médicaments. Ces ressources-là aussi sont limitées, et les cas les plus graves sont traités en priorité. Mais faut-il vraiment que la liste d'attente s'étende sur six ans ?

Cette formule est une première, mais ce n'est sans doute pas la dernière fois que le prix d'un nouveau médicament obligera Québec à trouver un compromis.

On en demande beaucoup aux patients. Auront-ils vraiment accès aux traitements dans les délais ? Seront-ils correctement informés et suivis d'ici là ? Ceux qui verraient leur état se dégrader seront-ils remontés sur la liste d'attente ? Il faut faire un suivi adéquat de cette expérience et s'assurer que les promesses qu'on nous fait aujourd'hui soient respectées.

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