La conception du couple et de la filiation a beaucoup changé au Québec depuis les dernières décennies. La politique législative en matière familiale, vieille de plus de 30 ans, n'a pas suivi. Le Comité consultatif sur le droit de la famille a déposé hier les plans et devis d'un ambitieux chantier de rénovation. Si les aménagements suggérés sont sujets à discussion, la nécessité des travaux est indéniable.

Ce n'est pas un simple ravalement de façade, mais une nouvelle conception du droit de la famille qu'on nous présente dans cette brique de près de 600 pages. Bien plus que le type d'union, c'est le fait d'avoir ou non des enfants en commun qui serait déterminante dans les indemnités dues entre conjoints en cas de séparation.

Le comité présidé par le professeur de droit et notaire Alain Roy propose un nouveau « régime parental impératif » qui s'appliquerait dès la naissance ou l'adoption, que le couple soit marié ou non. En cas de séparation, le parent qui aurait le plus mis ses activités professionnelles en veilleuse pour prendre soin des enfants pourrait demander compensation. La somme tiendrait compte de la perte de revenus, mais aussi d'autres impacts, sur les avantages sociaux ou l'ancienneté par exemple.

Si Éric et Lola s'étaient séparés sous un tel régime, Lola aurait dû démontrer que le rôle parental exercé auprès de leurs trois enfants lui avait fait subir un « désavantage économique » plus grand que son riche mari, et chiffrer cette différence.

L'idée ne satisfera évidemment pas ceux qui voudraient voir les conjoints en union de fait automatiquement couverts par un régime identique à celui du mariage - pension alimentaire, partage du patrimoine familial et droits sur la succession inclus. Mais c'est un grand soulagement pour tous ceux qui, à l'inverse, craignaient de se retrouver embrigadés dans un contrat contre leur gré.

Certes, cette notion de « désavantage économique » subi « dans l'exercice du rôle parental » donne une image bien prosaïque du soin et de l'éducation des enfants.

Mais elle rappelle l'essentiel : former un couple ne crée pas automatiquement une relation de dépendance financière.

La structure de l'union de fait demeure donc flexible pour les conjoints qui n'ont pas d'enfants ensemble. À eux d'en déterminer la configuration avec un testament ou un contrat d'union de fait. C'est plutôt dans le mariage qu'on abattrait des cloisons - les époux pourraient se soustraire par contrat à plusieurs obligations, dont le fameux patrimoine familial.

Reconnaissance du recours à une mère porteuse, fin du secret autour des dossiers d'adoption et de procréation assistée, interdiction des châtiments corporels : l'espace nous manque pour traiter des autres aspects marquants de ce rapport. La ministre de la Justice lui a fait un bon accueil. Heureusement, car si le travail du comité est impressionnant, il reste énormément à faire pour préciser les contours de la réforme souhaitée et, surtout, la faire adopter.

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