Le départ a été lent, mais la saison est bel et bien amorcée dans les érablières. L'expérience de la cabane à sucre, toutefois, n'est que la partie visible de l'iceberg. La fortune du sirop d'érable se joue surtout à l'étranger. Et cette dynamique-là est en train de changer. Les États-Unis, qui sont traditionnellement notre plus gros client, ont flairé la bonne affaire et entendent bien en profiter.

La Fédération des producteurs acéricoles du Québec le reconnaît d'emblée: elle est victime de son succès. Même si son monopole sur la commercialisation du sirop en vrac lui a attiré quelques volées de bois vert, force est d'admettre que son système de mise en marché a réussi à stabiliser les prix. Ce contexte favorable n'est pas passé inaperçu. Les autres régions acéricoles du continent ont augmenté le débit. Résultat, les parts de marché du Québec «ont diminué de 1,2% par année en moyenne dans la dernière décennie, principalement au profit des États-Unis», souligne une étude commandée par la Fédération et le Conseil de l'industrie de l'érable.

Les producteurs américains, dont la part est passée de 16 à 23%, pourrait détenir 29% de la tarte en 2018, montrent les chiffres de Forest Lavoie Conseil. Le Québec n'en aurait alors plus que 63%. Peut-être, mais la tendance des exportations, qu'on la mesure en volume ou en dollars, est à la hausse, rétorque la Fédération.

N'empêche que les acériculteurs québécois se retrouvent dans une drôle de position: leurs concurrents nord-américains profitent des conditions instaurées ici sans avoir à en payer le prix. Ceux-ci, en effet, ne subissent pas les contraintes (production contingentée, délais de paiement, etc.) que la Fédération impose pour stabiliser les prix et l'approvisionnement. Rien pour calmer la frustration des Québécois qui voudraient vendre leur sirop en vrac eux-mêmes.

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Le Québec a beau développer d'autres marchés extérieurs comme le Japon, l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Australie ou la France, l'expansion américaine ne doit pas être prise à la légère.

D'autant qu'elle vient surtout de grandes entreprises. Elles sont plus productives et elles ont les reins plus solides, aussi bien pour absorber une mauvaise saison que pour développer leurs marchés. C'est ce qu'elles ont fait ces dernières années, augmentant aussi bien leurs ventes intérieures que leurs exportations. Et elles pourraient en faire davantage. La moitié des entailles potentiellement exploitables à court ou moyen terme en Amérique du Nord se trouvent sur leur territoire. Seulement 6% sont utilisées actuellement.

Considéré à la fois comme un sucre naturel et un produit fin, le sirop d'érable a tout ce qu'il faut pour devenir un ingrédient très en vogue. Mais pour que les acériculteurs d'ici en profitent, il faut que ce soit le Québec, et non ses concurrents, qui développent ces nouveaux marchés. Rien n'est encore joué.

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