L'épidémie d'Ebola qui a ravagé l'Afrique de l'Ouest et gratté à nos portes nous a beaucoup appris sur la manière de répondre à une telle crise. Reste à nous guérir de notre peur irrationnelle du virus.

«Au lieu d'être accueillis comme des travailleurs humanitaires respectables, mes collègues américains qui sont rentrés à la maison après avoir combattu l'Ebola ont été traités en parias», déplorait un médecin new-yorkais dans le New England Journal of Medicine (NEJM) cette semaine.

Le Dr Craig Spencer parle d'expérience. Après être allé soigner des malades en Guinée, il est devenu l'une des rares personnes à développer le virus aux États-Unis. Luttant pour sa survie, trop faible pour suivre l'actualité, il a réalisé l'ampleur de la controverse seulement à sortie de l'hôpital. «Au lieu d'en profiter pour éduquer le public, médias et politiciens ont passé des heures à reconstituer mes déplacements dans New York et à débattre de la transmissibilité d'Ebola par une boule de quilles», dénonce-t-il dans une lettre ouverte.

Dire que les pays riches ont eu plus de peur que de mal est un euphémisme. Un an après le début de la pire flambée d'Ebola jamais recensée, les États-Unis ont vu quatre cas éclore sur leur territoire; l'Espagne et le Royaume-Uni, un chacun. Comparé aux quelque 24 000 malades avec lesquels la Sierra Leone, la Guinée et le Liberia ont dû composer, c'est presque anecdotique. Ces épisodes ont néanmoins été riches d'enseignement pour les systèmes de santé des nations industrialisées - y compris pour ceux qui n'ont pas été directement confrontés à la maladie, comme le nôtre.

L'histoire d'Eric Thomas Duncan, ce Libérien en visite au Texas, a eu l'effet d'un électrochoc. Hospitalisé trop tard, le malade aura néanmoins eu le temps de contaminer deux infirmières avant de mourir, dont l'une, on s'en souvient, avait été autorisée à prendre un vol commercial malgré un début de fièvre. Le cafouillage aurait pu avoir des conséquences dramatiques. Heureusement, il aura surtout servi d'exercice de feu, montrant à chacun ce qui pouvait déraper et quels boulons resserrer.

Un élément, toutefois, a échappé aux remises en question. Il pourrait nous jouer de mauvais tours en cas de crise: notre attitude collective vis-à-vis des soignants. Transférer la peur qu'inspire le virus d'Ebola sur ceux qui se dévouent pour le combattre, comme cela s'est vu aux États-Unis, est la pire chose à faire.

La maladie, ne l'oublions pas, n'est pas contagieuse avant l'apparition des symptômes. Au Québec, les mesures prévues pour les travailleurs humanitaires et ceux qui auraient à traiter des cas ici imposent un suivi rigoureux et une réponse musclée dès les premiers signes. Si l'épidémie se propage jusqu'ici, nous serons bien chanceux de pouvoir compter sur ces professionnels de la santé. La moindre des choses serait de ne pas les traiter comme des pestiférés.

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