Réduire la paperasse imposée aux entreprises est une cause louable. On s'étonne par contre qu'une loi visant à diminuer le flot de courriels indésirables remporte le prix du pire exemple de paperasserie au Canada.

La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI), qui représente plus de 100 000 PME, dénonce depuis plusieurs années la lourdeur réglementaire des différents paliers de gouvernement. C'est dans ce contexte qu'elle a publié lundi ses prix Poids lourds de la paperasserie. Au fédéral, le titre est allé au grand patron du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), Jean-Pierre Blais, pour la Loi canadienne anti-pourriel.

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On ne peut pas être contre la vertu ni contre la réduction de la bureaucratie. La FCEI fait bien de maintenir la pression sur les administrations publiques. La cible, dans ce cas-ci, nous paraît toutefois mal choisie.

La réglementation anti-pourriel est loin d'être idéale. Nous en avons nous-mêmes dénoncé la construction labyrinthique lors de son entrée en vigueur, l'été dernier. Le CRTC, toutefois, ne fait que l'appliquer. S'il y a quelqu'un à blâmer, c'est le gouvernement fédéral, et ceux qui ont fait pression pour la diluer, ce qui a amené toutes sortes de délais et de bizarreries dans son application.

Cette loi ne fera pas disparaître tous les messages indésirables de votre boîte, c'est vrai. Il en faut davantage pour impressionner une princesse nigériane ou un prétendu distributeur de viagra. Reste qu'en balisant l'envoi des messages commerciaux, le nouveau cadre a réellement contribué à réduire le volume de courriels indésirables. Nous l'avons constaté nous-mêmes: beaucoup d'organisations demandent désormais le consentement du destinataire, et respectent son refus.

Personne ne se plaindra de recevoir moins de messages non pertinents. Et quand les employés perdent moins de temps à faire le ménage de leur boîte, les entreprises y gagnent aussi.

La FCEI n'est pas contre la lutte au pourriel, nous dit l'organisme, mais contre la réglementation excessive dont le fardeau pèse davantage sur les PME. Vérification faite, il est peu probable qu'un petit entrepreneur de bonne foi écope d'une amende. En six mois, le CRTC a déjà reçu près de 27 000 plaintes. Il devra prioriser les cas graves, et s'attaquer aux contrevenants qui font le plus de ravages.

Sur le principe général, par contre, la FCEI a raison. La prolifération incontrôlée des normes affecte particulièrement les petites entreprises qui, contrairement aux grandes sociétés, n'ont pas les ressources à l'interne pour s'y retrouver. Si encadrer un domaine peut être nécessaire, le faire avec des procédures absurdes et frustrantes n'est jamais d'intérêt public.

Quelques gouvernements, dont Québec et Ottawa, se sont engagés à réduire l'impact de leur réglementation sur les petites entreprises. C'est un début, mais il faudra maintenir la pression, car les mauvaises habitudes ont la vie dure.

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