La pertinence d'un traitement relève du jugement clinique du médecin. Qu'en est-il, toutefois, du malade ayant un handicap? Lui refuser des soins constitue-t-il automatiquement de la discrimination? La plainte d'une patiente obèse devant le tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique risque de nous entraîner sur une pente dangereuse.

Dans une décision rendue vendredi dernier, le tribunal a jugé la plainte assez solide pour ne pas être rejetée d'emblée, comme le demandaient l'agence de santé régionale et les deux médecins visés.

La femme, qui pesait plus de 400 livres lors de son opération à la hanche, estimait avoir été privée de la réadaptation intensive dont elle avait besoin à cause de son obésité. Les médecins responsables de son dossier considéraient que les traitements ne donneraient pas de résultats.

Qui a raison? Difficile à dire ici. Le tribunal n'a pas évalué le fond de l'affaire, encourageant plutôt les parties à aller en médiation. Les faits avancés par les médecins et l'agence montrent cependant qu'ils n'ont pas agi à la légère.

Après sa première opération, la plaignante a passé 126 jours en réadaptation intensive - un record, dit l'agence. La situation s'est compliquée à la deuxième opération. La patiente avait une infection et il a fallu lui enlever sa prothèse. Avec une hanche en moins et un tel surpoids, la réadaptation intensive n'avait pratiquement aucunement chance de succès, avaient jugé ses médecins, l'unité de 25 lits étant une ressource limitée qui doit être gérée, a précisé l'un d'eux.

La patiente est quand même restée 32 jours en réadaptation intensive. Plus que la moyenne, selon l'agence; pas assez, selon la plaignante, qui considérait qu'elle avait été lésée en raison de son obésité alors que ce handicap aurait au contraire exigé plus de temps.

La femme a refusé les services nutritionnels et n'a pas fait ses exercices régulièrement le week-end, a par ailleurs fait valoir le défendeur.

Le cas n'est pas si exceptionnel. Des Québécoises se sont fait dire de perdre du poids pour avoir accès à la fertilisation in vitro. Des malades se font régulièrement répondre qu'une intervention ou un médicament dans ce cas n'est pas approprié, et ils peuvent en ressentir de la frustration, à juste titre. Sont-ils pour autant victimes de discrimination?

Si un médecin juge un traitement inefficace, notamment en raison de la condition ou du manque de collaboration du patient, il ne peut le recommander, indique le Collège des médecins du Québec. Ce serait contraire au code de déontologie et à la bonne pratique.

En Colombie-Britannique, le tribunal conclura peut-être que le système de santé aurait dû offrir des solutions de rechange à la plaignante. Si c'est le cas, la mise au point sera bienvenue. Espérons toutefois qu'il ne créera pas un précédent dangereux en matière de discrimination. La présence d'un handicap ne devrait pas interférer avec l'évaluation de ce qui est médicalement utile - ou non - à un patient.



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