Le pire danger qui guette les pays riches vis-à-vis la menace de l'Ebola, c'est de chercher à se rassurer à peu de frais, en concentrant leurs efforts sur leur propre territoire.

Beaucoup de voix s'élèvent aux États-Unis pour réclamer la fermeture des frontières aux vols et aux personnes en provenance des pays où l'épidémie est hors de contrôle. Réflexe compréhensible. C'est un citoyen du Liberia qui amené la maladie en sol américain, et c'est à son contact que deux infirmières américaines ont contracté le virus. L'épisode est simple, linéaire. Et c'est le seul vécu en Amérique du Nord. Il est tentant de remonter le pont-levis pour tenir les pestiférés à distance. Sauf que c'est impossible.

Aux États-Unis, au Canada, dans la majeure partie de l'Europe et dans plusieurs autres régions du monde, l'étanchéité des frontières est un fantasme irréalisable. Un territoire qui reçoit un flot constant de voyageurs (dont un certain nombre d'illégaux) par voie aérienne, maritime et terrestre ne pourra jamais prétendre à un filtrage parfait. Un tel verrouillage incitera plutôt les gens ayant transité par les pays à l'index à brouiller leurs pistes et à gober des médicaments pour masquer toute trace de fièvre.

L'épidémie a déjà entraîné une réduction des liaisons aériennes avec le Liberia, la Guinée et la Sierra Leone. Fermer plus de frontières affectera encore davantage l'offre de vols commerciaux, ce qui fera bondir les frais d'envoi de personnel et de matériel sanitaires.

Pendant ce temps en Afrique de l'Ouest... Croit-on sérieusement que le virus va continuer à se propager sagement dans le même carré de sable ? Tant qu'on laisse cette épidémie hors de contrôle, ce n'est qu'une question de temps ou de malchance avant qu'elle ne s'étende à d'autres pays. Veut-on vraiment la voir arriver en Inde ou en Chine ? Avec une telle logique, le pays qui prétendra fermer ses frontières aux voyageurs à risque se retrouvera bientôt complètement coupé du monde.

Cela dit, quand on regarde froidement la situation, on comprend la tentation du repli sur soi. L'effort requis sur le terrain est autrement plus exigeant.

Les secours ont été complètement dépassés par les 9000 cas recensés depuis le printemps. Qu'est-ce que ce sera au début décembre, si l'on se retrouve avec 5000 à 10 000 nouveaux cas par semaine, comme le prévoit l'Organisation mondiale de la santé ? Selon l'ONU, il faudrait un milliard pour venir à bout de cette épidémie. On peut discuter de la facture, mais avec seulement 20 millions promis jusqu'ici, il est évident qu'il faudra plus d'argent.

Espérons que les pays riches savent compter et se rendent compte qu'il aurait été moins coûteux d'intervenir plus tôt, avant que l'épidémie ne prenne une telle ampleur. Espérons aussi qu'ils retiendront la leçon. L'Ebola, longtemps considérée comme une obscure maladie africaine, est devenue une menace tangible avec laquelle il faudra désormais composer.

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