Pendant que les téléspectateurs avaient les yeux rivés sur le témoignage de Tony Accurso, une autre audience s'est amorcée hier à Gatineau. Au cours des deux prochaines semaines, près de 120 témoins vont défiler devant le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) pour parler, en direct, de l'avenir de la télé canadienne. Et cet exercice-là non plus ne donnera pas les changements attendus.

Le gouvernement Harper, on s'en souvient, a annoncé l'an dernier qu'il serait bientôt possible de créer son propre forfait de télédistribution par câble ou satellite sur mesure. À en juger par les quelque 10 000 commentaires reçus par le CRTC, il a touché une corde sensible. À voir les scénarios envisagés, par contre, les consommateurs vont être déçus. La possibilité de payer uniquement pour les chaînes désirées, comme plusieurs le réclament depuis longtemps, n'est même pas évoquée.

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Le Conseil avance quelques idées plus radicales, comme permettre aux stations locales de diffuser leur signal uniquement par câble ou satellite. Il suggère aussi d'interdire la superposition de publicités canadiennes durant les émissions étrangères, comme le Super Bowl.

Cependant, plusieurs des exigences qui font obstacle à une réelle flexibilité demeurent. Les abonnés se verront encore imposer un service de base comprenant notamment des stations locales, des services éducatifs et diverses chaînes payantes comme MétéoMédia et APTN. La liberté de choix apparaîtrait seulement à l'étape suivante, à la sélection des chaînes facultatives.

Le président du CRTC, Jean-Pierre Blais, a pourtant un parti-pris affiché pour les consommateurs. « Plutôt que de protéger certaines chaînes, des radiodiffuseurs en particulier ou un modèle d'affaires donné, nous devons nous assurer que le système de télévision satisfait aux besoins et aux intérêts des Canadiens », a-t-il souligné hier dans son discours d'ouverture.

Le hic, c'est que la Loi sur la radiodiffusion prête aussi aux Canadiens des besoins d'ordre culturel et identitaire auxquels elle somme à la télé de répondre.

Cette vision, il faut le reconnaître, a des retombées positives. Les exigences réglementaires actuelles permettent de financer la création de milliers d'heures d'émissions canadiennes et font travailler beaucoup de monde. Sauf que cette belle machine repose sur un équilibre fragile entre producteurs, diffuseurs et distributeurs. Toute intervention favorable à l'un de ces rouages fait grincer les autres.

Le problème de ce système, c'est aussi que le téléspectateur n'est pas considéré comme un client, mais comme un autre des rouages - celui qui sert de prétexte ou de justificatif aux orientations prises.

Le gouvernement Harper a promis des rénos majeures, et les a déléguées au CRTC. Mais tant qu'il n'interviendra pas lui-même pour modifier sa Loi, on devra se contenter d'une couche de peinture et d'un changement de rideaux.

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