La décision rendue hier par la Cour suprême contre Walmart Canada est une double victoire pour les syndicats. En plus d'obliger le détaillant à indemniser ses ex-employés de Jonquière, le plus haut tribunal du pays vient de surligner en jaune la portée pro-syndicale d'un article du Code du travail.

Parce qu'il « restreint l'influence potentielle de [l'employeur] sur le processus associatif, diminue les craintes des employés qui exercent activement leurs droits et facilite le développement de ce qui deviendra éventuellement le cadre des relations de travail », l'article 59 vise « exactement à faciliter l'accréditation », souligne le juge LeBel.

Notons qu'il s'agit d'une décision divisée, deux juges étant d'avis que l'article ne s'applique pas en cas de fermeture complète et définitive d'une entreprise. Les sept autres partagent toutefois la vision initiale de l'arbitre : avant même la signature de la convention collective, la présence du syndicat impose un cadre à l'employeur.

Les employés de Jonquière, on s'en souvient, s'étaient syndiqués auprès des Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce (TUAC) en août 2004, trois ans après l'ouverture du magasin. Huit mois plus tard, cette succursale fermait ses portes. Comme il n'y avait pas encore de convention collective, les obligations de l'entreprise envers ses syndiqués n'étaient pas précisées. Mais elles existaient, confirme la Cour suprême.

Ce jugement met un point final à l'histoire du Walmart de Jonquière, un commerce qui aura occupé les tribunaux deux fois plus longtemps qu'il n'est resté ouvert. Certes, le montant des indemnités dues aux ex-employés reste à déterminer, et le détaillant pourrait contester les calculs de l'arbitre. Sur le fond, toutefois, on a enfin vidé la question.

Entre le dépôt d'une accréditation syndicale et la signature d'une première convention collective, les conditions de travail préexistantes sont en quelque sorte protégées. L'employeur qui veut les modifier doit démontrer qu'il ne le fait pas en réaction au syndicat, et qu'il aurait agi de la même manière si celui-ci ne s'était pas implanté dans ses murs. Walmart, rappelle le juge LeBel, n'a rien démontré du tout.

On n'avait jamais entendu parler de problèmes financiers à Jonquière, mais plutôt d'objectifs atteints et de bonis, a témoigné le syndicat. Le géant du détail n'ayant jamais contesté cette version, c'est celle que l'arbitre a retenue.

Une entreprise qui, avant même l'arrivée d'un syndicat, se préparait à fermer (parce qu'elle est au bord de la faillite ou n'a pas de relève, par exemple), n'est pas touchée par ce jugement.

Pour toutes celles qui, inspirées par Walmart, se disaient qu'en cas de syndicalisation, il leur suffirait de disparaître avant d'être liées par une convention collective, par contre, le message est clair : ça ne marche pas comme ça.

Reste à voir si les travailleurs, eux, s'en trouveront rassurés et plus enclins à se syndiquer.

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