Votre vie privée doit être respectée, y compris quand il s'agit de l'internet, vient de confirmer la Cour suprême. Qu'est-ce que le gouvernement Harper attend pour en tenir compte?

À première vue, la décision rendue vendredi dernier a peu à voir avec l'utilisateur moyen. La cause a été portée par un consommateur de pornographie juvénile retracé grâce à son fournisseur d'accès. Celui-ci avait donné son adresse à des policiers qui n'avaient pas de mandat.

Sauf que le droit à la vie privée ne dépend pas de «la nature légale ou illégale de la chose recherchée», rappelle la Cour. Il ne s'agit pas de savoir si l'accusé avait le droit d'échanger de la porno juvénile en paix, mais si, de façon générale, le citoyen qui utilise l'internet à des fins personnelles, chez lui, a droit au respect de sa vie privée. Oui, ont répondu, à l'unanimité, les juges du plus haut tribunal du pays. Même avec la coopération du fournisseur, l'obtention des coordonnées sans mandat représente une fouille abusive au sens de la Charte.

Les corps policiers auraient sans doute préféré une décision inverse, les autorisant à agir sans mandat. Sur le fond, toutefois, ce jugement ne change rien à l'affaire. Si la police de Saskatoon avait amené son dossier devant un juge, elle aurait obtenu le mandat requis. Les criminels avides de pornographie infantile ne sont pas plus à l'abri qu'avant.

L'usager moyen, par contre, est un peu moins traité comme du bétail. Les renseignements détenus par son fournisseur ne sont pas banals, souligne la cour. Ils permettent de l'associer aux traces anonymes qu'il laisse en naviguant. Quand on lève cet anonymat, ses activités sur l'internet n'ont plus rien de privé. Cela ne doit donc pas se faire à la légère.

Il faut arrêter de dire que les gens qui n'ont rien à se reprocher n'ont rien à cacher. La perspective qu'on puisse épier des communications sans motif valable est une insulte à l'honnête citoyen. Qui aura accès aux informations inscrites dans un moteur de recherche de façon, pensait-il, anonyme? Celui qui ne fait rien de répréhensible ne devrait pas avoir à s'inquiéter que l'État fouille dans sa vie privée.

Le gouvernement Harper, hélas, n'a pas les mêmes scrupules. Sous couvert de lutter contre la cyberintimidation, son projet de loi C-13 allonge considérablement la liste des personnes qui auraient accès aux données, et accorde une immunité à ceux qui les remettraient sans mandat. Le projet S-4, lui, ajoute de nombreuses raisons de transmettre des renseignements personnels sans le consentement ou à l'insu du principal intéressé, et offre un énorme pouvoir discrétionnaire aux entreprises de juridiction fédérale, comme les banques, les entreprises de télécommunication et les transporteurs aériens.

On s'attendrait à ce qu'Ottawa ajuste le tir en fonction des précisions apportées par la Cour suprême. Malheureusement, le gouvernement Harper n'a donné aucune indication en ce sens.

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