Vendre notre expertise médicale à l'étranger pour améliorer les soins ici? L'idée est séduisante. Hélas, l'intérêt public passe facilement par-dessus bord, montre l'expérience du Centre université de santé McGill (CUSM).

L'histoire d'une Koweïtienne de 31 ans, hospitalisée à deux reprises en chirurgie cardiaque à l'hôpital Royal-Victoria, avait choqué le public, l'an dernier. Ce cas payant avait-il pris la place d'un patient québécois? Il semble que non. L'opération a été insérée entre deux autres déjà prévues, et rien n'indique que l'établissement aurait ajouté cette case horaire pour un patient local.

Les ententes liant le CUSM à l'État koweïtien sont néanmoins problématiques à plusieurs égards, montre le rapport publié hier par le bureau du Protecteur du citoyen. Il faut le remercier d'avoir pris l'initiative de cette enquête, sans laquelle nous n'aurions jamais eu l'heure juste. Les réponses fournies lorsque l'affaire a éclaté étaient en effet inexactes ou incomplètes.

Dire que le CUSM a manqué de transparence est un euphémisme. Même le Protecteur s'est buté à des informations contradictoires et erronées.

L'objectif, rappelons-le, n'était pas d'importer des patients du Koweït, mais d'y transférer des compétences pour que les malades puissent être soignées chez eux. Valeur de l'entente? Le chiffre de plus de 85 millions avancé par un directeur associé du CUSM est nié par le DG de l'établissement, signale le Protecteur. Et ce n'est qu'un exemple.

L'arrangement est, dans sa conception même, d'une redoutable efficacité pour échapper aux regards critiques. Le CUSM a transféré ses droits et responsabilités à une entreprise privée, Montréal Médical International (MMI), qui échappe à la reddition de compte et aux normes de gestion et d'imputabilité du réseau public. Comme c'est pratique!

Ce montage est d'autant plus inacceptable qu'il ne répond à aucune nécessité contractuelle. Au contraire, le Koweït a exigé de signer directement avec le CUSM - comme il l'a fait avec le University Health Network de Toronto dans un contexte similaire. Le CUSM a donc dû rédiger un deuxième contrat parallèle avec MMI, cosigné par, vous l'aurez deviné, son ex-DG Arthur Porter.

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Le ministre de la Santé se dit non seulement d'accord avec les recommandations du Protecteur, mais déterminé à les appliquer. Heureusement. Les méthodes cavalières du CUSM, qui a montré plus d'empressement à établir des précédents douteux qu'à informer le ministère, ne sont pas un modèle à suivre.

Que la direction d'un centre hospitalier universitaire fasse preuve d'initiative et cherche à valoriser son expertise à l'international est tout à fait louable. Elle doit cependant se rappeler qu'elle ne gère pas une entreprise privée, mais une composante du réseau public. Et qu'à ce titre, elle est d'abord redevable aux contribuables québécois, envers qui elle a des obligations de saine gestion et de transparence.

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