La décision de l'Agence de protection environnementale américaine (EPA) de réduire la quantité d'éthanol à incorporer dans l'essence montre les limites de ce marché créé de toutes pièces.

C'est la première fois, depuis l'adoption de sa loi sur l'indépendance et la sécurité énergétique, en 2007, que Washington diminue ses exigences en matière de carburants renouvelables. Le volume imposé aux raffineurs en 2014 sera d'environ 15 milliards de gallons américains, presque 17 % de moins que prévu dans la loi. Le quota de l'éthanol, qui est le principal carburant renouvelable, est réduit de 1,1 milliard de gallons, et celui du biodiésel est gelé.

Cette annonce, faite vendredi dernier, est une bien mauvaise nouvelle pour toutes les entreprises qui vivent de la production et de la transformation du maïs, le principal ingrédient de l'éthanol et du biodiésel aux États-Unis. En particulier cette année, où l'on s'attend à une récolte record.

Les contrats de maïs pour livraison en décembre, ainsi que les actions de sociétés productrices d'éthanol et de biodiésel comme Archer-Daniels-Midland (ADM) ou Renewable Energy ont encaissé le coup à la fin de la semaine dernière. C'est dommage pour les actionnaires, mais il y a des limites à créer une demande artificielle. «Presque toute l'essence vendue aux États-Unis est maintenant E10, donc contenant jusqu'à 10 % d'éthanol. Nous avons atteint un mur», a indiqué l'EPA.

Les prix à la pompe et l'efficacité des véhicules ont fait chuter la consommation d'essence, donc le volume capable d'absorber de l'éthanol. Et pour la première fois en près de 20 ans, les États-Unis ont produit plus de pétrole qu'ils n'en ont importé le mois dernier. Du coup, le rôle des carburants renouvelables dans la réduction de la dépendance au pétrole étranger (une grande motivation de la loi de 2007) s'en trouve diminué.

Certes, la hausse de la production américaine doit beaucoup au pétrole de schiste, dont l'extraction est très critiquée. Mais augmenter les surfaces de maïs pour produire du carburant n'est pas idéal non plus. Les quantités d'engrais chimiques utilisées, et déversées dans les cours d'eau, ainsi que l'exploitation de terres auparavant préservées, n'ont rien de vert.

L'industrie de l'éthanol reproche aux pétrolières d'avoir créé le mur actuel, notamment en se traînant les pieds pour offrir de l'essence à 15 % et 85 % d'éthanol. Qu'elles aient agi dans leur intérêt ne fait pas de doute. Mais dans ce cas-ci, on ne peut pas les accuser d'avoir lésé les consommateurs ou l'environnement, puisque l'éthanol de maïs profite surtout à ceux qui le produisent.

Le Canada, qui s'est montré plus raisonnable en limitant l'exigence en carburant renouvelable à 5 %, pourrait néanmoins souffrir des excès de son voisin. Les producteurs américains, qui vendent déjà beaucoup d'éthanol ici, chercheront sans doute à en écouler davantage en 2014, au risque de perturber l'industrie locale.

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