Plus de 150 accidents, 93 cyclistes transportés à l'hôpital, 2 morts. Le bilan des collisions entre vélos et portières de véhicules des deux dernières années est consternant à Montréal.

Et l'amende ridicule prévue pour les automobilistes négligents envoie un très mauvais message. Le Code de la sécurité routière a besoin d'une sérieuse révision. 

«Contrairement à ce que pensent certaines personnes, les cyclistes ne sont pas des gens qui s'amusent à vélo dans la rue», souligne le coroner Jean Brochu dans un rapport d'investigation publié hier. Le Dr Brochu sait de quoi il parle. Il a passé plus de trois ans à aller travailler à vélo hiver comme été lorsqu'il habitait Montréal, il continue de rouler dans sa région. Ce n'est donc pas un hasard si sa collègue Jocelyne Tessier et lui ont sorti trois enquêtes sur des cyclistes montréalais en même temps hier.

Deux des trois victimes ont perdu la vie à cause d'une portière qui s'est ouverte brusquement devant eux. La hantise du cycliste urbain. Les anglophones parlent de «dooring», un terme qu'on pourrait traduire par «emportièrage». Se faire «emportièrer», comme dans «se faire emboutir» ou «se faire embrocher»: brutal, douloureux, voire mortel. Est-ce parce que le geste n'a pas de nom que tant d'automobilistes en sous-estiment la gravité? 

Ce n'est pas le code de la route qui va les conscientiser. Amende prévue pour le conducteur ou le passager qui ouvre sa portière sans avoir vérifié qu'il peut le faire sans danger: 30$. Encore moins dissuasif qu'une contravention de stationnement. Il faut alourdir la sanction et insister sur ce point dans les cours de conduite, recommande la Dre Tessier. 

L'ouverture intempestive de portières frappe l'imagination, mais c'est loin d'être le seul problème. Les deux coroners ont eu la bonne idée d'interpeler aussi Montréal (compléter le réseau cyclable, aménager les passages dangereux) et Québec (revoir le Code de la sécurité routière en profondeur pour l'adapter aux déplacements actifs).

De fait, c'est toute la notion de partage de la route qui est à revoir. Il faut arrêter de considérer que les véhicules motorisés doivent céder une partie de la route, et se rendre compte que tous les usagers, cyclistes et piétons inclus, partagent le même espace en diverses occasions. Et insister sur les responsabilités de chacun dans chaque circonstance. 

Le ministre des Transports a récemment créé un comité mixte entre la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) et son ministère, avec le mandat de revoir tout ce qui a trait au vélo dans le Code de la route, nous a indiqué la SAAQ hier. Espérons que l'intervention du Bureau du coroner accélérera le mouvement, car pour l'instant, on n'a pas d'échéancier.

Un coroner à bicyclette peut faire un bout de chemin, mais si le ministre des Transports reste assis, ça n'ira nulle part. Dénombrer les accidents n'est pas suffisant. Il faut faire tout ce qui est possible pour les éviter.

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