En quête d'une potion magique pour devenir plus fort que la concurrence, Loblaw a avalé la pharmacie au complet - celle de Shoppers Drug Mart, connue ici sous le nom de Pharmaprix. Résultats non garantis...

Shoppers, le plus gros détaillant de produits de santé personnelle au pays, n'avait pas accroché de pancarte «à vendre» à sa fenêtre, mais c'est tout comme. Cela fait des années que la société examine toutes sortes de propositions, sollicitées ou non, a confirmé hier son président du conseil. Pour rafler la mise, Loblaw a fait une offre évaluée à 61,54$ l'action (dont 33,18$ au comptant), une prime de presque 30% sur le cours récent.

Les deux sociétés ont insisté sur leur complémentarité, avec le souhait évident que le Bureau de la concurrence voie les choses du même oeil. C'est plausible. Les ventes alimentaires de Shoppers représentent à peine 3% de celles de Loblaw, et celle-ci contrôle seulement 5% du secteur de la pharmacie. Leur intégration ne réduirait pas tellement les choix offerts aux consommateurs.

L'intérêt n'est pas tant d'éliminer un rival que de prendre du poids. Loblaw a beau être le numéro un de l'alimentation au pays, son fonds de commerce est mis à rude épreuve. Wal-Mart lui livrait déjà une concurrence féroce, l'arrivée de Target augmente la pression de plusieurs crans. Même Canadian Tire a fait marche arrière dans l'alimentation, à une époque où la tendance est pourtant de brouter dans toutes les talles possibles.

Loblaw estime qu'avec ses produits, son expertise et son pouvoir d'achat, le rayon épicerie des Shoppers et des Pharmaprix deviendra nettement plus profitable. Mais surtout, elle gagne des sources de revenus dotées de meilleures marges, notamment dans les médicaments, les cosmétiques et les produits de soins personnels.

Elle s'achète aussi de la fidélité. Optimum, le programme de récompenses de Shoppers/Pharmaprix, est l'un des plus réputés au pays. Loblaw pourra utiliser cette expertise pour mieux comprendre les consommateurs canadiens et, donc, leur faire des offres plus alléchantes - un avantage notable face à un nouveau venu comme Target. Sans oublier les prescriptions, grâce auxquelles les patients reviennent régulièrement et font souvent d'autres achats.

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Reste à voir si cette prise de poids fera vraiment de Loblaw un adversaire plus redoutable. Digérer une grosse acquisition draine beaucoup d'énergie pour des résultats souvent décevants. Les marchés, toutefois, ne s'en préoccupent guère.

Le titre de Jean Coutu a bondi à 19,45$ hier, du jamais vu en près de huit ans, alors que son président a répété récemment que le Groupe n'était pas à vendre. Même l'épicier Métro qui, après s'être fait souffler la chaîne de supermarchés Safeway le mois dernier, paraît encore plus isolé depuis l'annonce de Loblaw, a vu son titre grimper de 2,26%.

Les grosses transactions ne sont pas une panacée, mais tout le monde veut y croire.

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