La faillite de l'entreprise Levinoff-Colbex laisse les contribuables et les producteurs agricoles Gros-Jean comme devant. Une galère dans laquelle Québec n'aurait jamais dû mettre les pieds.

Près d'un an après la fermeture de l'abattoir et de la salle de découpe, on n'a toujours pas trouvé d'acquéreur pour ces activités.

Investissement Québec (IQ) attend que les actifs soient liquidés pour savoir combien elle a perdu en endossant une marge de crédit de 10 millions. À cela s'ajoutent les 19 millions prêtés à la Fédération des producteurs de bovins du Québec pour lui permettre d'acheter l'entreprise à la fin 2005, et dont on risque de ne jamais revoir la couleur: la Fédération demande à Québec de radier cette dette. Les éleveurs qu'on prétendait aider, eux, devront verser une cotisation spéciale jusqu'à la fin de l'an prochain, pour que la Fédération puisse rembourser les 32 millions qu'elle a dû réemprunter en 2008.

Triste fin pour une société payée plus de 60 millions de dollars il y a moins de huit ans. On est loin de la«solution durable appliquée sur le mode gagnant-gagnant» vantée par le ministre de l'Agriculture de l'époque.

Que s'est-il passé? Les conclusions de l'enquête commandée par Québec à la firme KPMG sont attendues pour la fin mai. Il était temps! Espérons qu'on dissipera toutes les zones d'ombre qui planent sur cette transaction mal avisée.

La vente, rappelons-le, s'est décidée dans l'urgence. Furieux des prix dérisoires que Levinoff-Colbex leur offrait depuis la fermeture de la frontière américaine (en raison de la crise de la vache folle), les éleveurs assiégeaient littéralement l'abattoir. Québec, aux abois, a pesé de tout son poids dans la balance pour que les producteurs agricoles puissent racheter... leur client. Mieux aurait valu trouver autre chose, car de toute évidence, il s'agissait d'une mauvaise transaction.

Investissement Québec n'a pas mis ses billes dans ce projet après avoir conclu qu'il s'agissait d'une bonne affaire: elle s'est impliquée à la demande du gouvernement, dont elle gère l'argent.

Les conditions offertes aux vendeurs semblent aussi problématiques. Qu'un propriétaire demeure employé durant un an, histoire d'assurer une transition harmonieuse, n'a rien d'exceptionnel. Mais s'il s'avère, comme on l'a entendu, que les trois principaux actionnaires sont restés aux commandes durant des années à des conditions faramineuses, ceux qui ont négocié le contrat devront s'expliquer. D'ailleurs, a-t-on seulement négocié? Quand on sait que l'entreprise appartenait à la famille Cola, qui a fait d'importantes contributions au Parti libéral et qui a été vivement critiquée pour les places en garderies subventionnées qu'elle détient, la question se pose.

Québec aurait dû verser une aide ponctuelle aux éleveurs, le temps que les Américains rouvrent leur frontière. Cette aide aurait eu un coût, mais au moins, le gouvernement se serait retiré du dossier lorsque les prix se sont mis à remonter.

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