Un échange de textos est une conversation et, à ce titre, bénéficie de la même protection en matière de vie privée qu'un appel téléphonique, conclut la Cour suprême. Une décision majeure, qui reconnaît que les droits des citoyens sont plus importants que la technologie.

Il y a trois ans exactement, la police d'Owen Sound, en Ontario, a demandé à Telus de lui donner copie de tous les messages textes que deux de ses abonnés allaient s'échanger dans les semaines suivantes. Telus, considérant qu'il s'agissait d'écoute électronique, a refusé. Le plus haut tribunal du pays vient de lui donner raison.

Le problème s'est posé en raison d'une particularité du réseau de Telus, mais les principes affirmés dans ce jugement ont une portée beaucoup plus large.

Les abonnés de Telus l'ignorent sans doute, mais l'entreprise conserve une copie de leurs textos entrants et sortants durant 30 jours. Une pratique unique chez les gros fournisseurs de sans-fil canadien, que Telus justifie en disant que ça l'aide à résoudre des problèmes techniques.

Les policiers ont donc obtenu un mandat général d'un juge pour obliger Telus à prélever dans sa base de données les textos qui les intéressaient. Erreur, dit la Cour suprême. Si les personnes visées avaient été abonnées chez un autre fournisseur, la police aurait dû se conformer aux dispositions du Code criminel sur l'écoute électronique, dont les exigences en matière de protection de la vie privée sont plus strictes. Il fallait faire la même chose avec Telus.

«Les différences techniques inhérentes à la procédure de transmission des messages textes propre à Telus ne devraient pas priver les abonnées de cette dernière des mesures de protection prévues par le Code et auxquelles ont droit tous les autres Canadiens», écrit la juge Abella.

Le mandat général brandi par les policiers était invalide, ont conclu cinq des sept magistrats.

Nous sommes heureux que cette interprétation l'ait emporté. Les lois doivent être aussi neutres que possible à l'égard des technologies, sans quoi elles perdront rapidement toute pertinence.

Ce souci de neutralité technologique est malheureusement absent de l'opinion des deux juges dissidents. Au contraire, la façon dont ils définissent l'interception des communications donne une importance démesurée à la mécanique du réseau de Telus.

Selon eux, ce n'était pas un cas d'écoute électronique puisque c'est le fournisseur, et non la police, qui aurait intercepté les textos. Le système de Telus aurait permis de procéder différemment, c'est vrai. Mais ça n'aurait rien changé à la nature de l'opération. Quand un corps policier exige d'avoir tous les messages que deux abonnés échangeront au cours des deux prochaines semaines, c'est de l'écoute électronique. Et pour faire une telle intrusion dans la vie privée des gens, il faut en prouver la nécessité.

Le jour où les policiers pourront jouer sur les particularités technologiques pour éviter d'avoir à se justifier, nous aurons un fichu problème.

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