Comment déterminer si un propos est vraiment haineux, ou simplement choquant? La Cour suprême a beau avoir précisé ses critères cette semaine, ceux-ci laissent encore beaucoup de place à l'interprétation.

Le plus haut tribunal du pays devait déterminer si des tracts distribués par le chrétien militant William Whatcott au début des années 2000 constituaient des propos haineux interdits par la loi. Les feuillets, rédigés dans un style passablement exalté, dénonçaient le péril des relations sexuelles entre personnes de même sexe.

Les deux premiers avaient pour titres «Gardons l'homosexualité en dehors des écoles publiques de Saskatoon» et «Des sodomites dans nos écoles». Les deux autres étaient constitués d'annonces de rencontres annotées de commentaires comme «des hommes se disent à la recherche de jeunes garçons».

Conclusion? Les premiers exposent effectivement les homosexuels à la haine en les présentant comme une menace, et en invitant les lecteurs à leur faire subir un traitement discriminatoire. Mais les seconds, quoique choquants, «ne traduisent pas le degré de haine que requiert l'application de l'interdiction». Le passage du Code des droits de la personne de la Saskatchewan prohibant les représentations qui ridiculisent, rabaissent ou portent atteinte à la dignité a d'ailleurs été déclaré inconstitutionnel parce que l'atteinte qu'il porte à la liberté d'expression n'est pas justifiée.

Ceux qui espéraient voir la notion de haine rayée des chartes des droits et libertés seront déçus. Non seulement la Cour suprême réaffirme cet interdit, mais contrairement au jugement très divisé qu'elle avait rendu il y a une douzaine d'années, elle le fait de manière unanime.

L'argument selon lequel l'incitation à la haine est déjà très bien réprimée par le Code criminel a d'ailleurs été balayé du revers. Les lois sur les droits de la personne sont souvent le dernier recours des citoyens désavantagés et privés de leurs droits de représentation, tranche le juge Rothstein.

Il ne faut toutefois pas oublier que l'interdit frappant la propagande haineuse limite la liberté d'expression. Il est donc heureux que les propos simplement répugnants ou offensants, aussi désagréables à entendre puissent-ils être, ne soient pas considérés comme haineux.

L'ennui, c'est que le test de la Cour repose sur des critères assez impressionnistes. Est-ce pour cela que les juges ont pris 16 mois à se mettre d'accord sur quatre tracts?

Les propos doivent non seulement inspirer des sentiments violents et extrêmes, mais être «susceptibles d'exposer la personne ou le groupe ciblé à la haine». Se demander, comme le préconise le jugement, ce que penserait une personne «raisonnable, informée du contexte et des circonstances» ne change rien à l'affaire. Évaluer l'intensité et les conséquences est un exercice éminemment subjectif.

Les tribunaux administratifs qui auront à appliquer ces critères n'ont pas fini de rendre des décisions controversées.

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