Le casier judiciaire d'un multirécidiviste de l'alcool au volant ne doit pas être sous-estimé, a indiqué hier la Cour suprême dans un jugement unanime. Une décision qui renforce la ligne dure adoptée par Québec envers ces contrevenants.

Près de 13 000 sanctions pour conduite avec facultés affaiblies par l'alcool ont été distribuées au Québec en 2010. De ce nombre, 542 visaient des multirécidivistes, c'est-à-dire des automobilistes qui en étaient à leur troisième offense similaire, ou plus, en 10 ans. C'est dans leurs rangs qu'on retrouve des chauffards comme Roger Walsh, qui avait déjà plaidé coupable à des accusations de conduite en état d'ébriété 17 fois lorsqu'il a fauché une mère de 47 ans. Ou Raymond Lévesque, condamné sept fois pour alcool au volant avant de tuer une femme de 23 ans.

Alphide Manning, lui, n'avait pas eu d'accident lorsqu'il a été arrêté à Baie-Comeau en avril 2010. Mais c'était la seconde fois en moins de neuf mois qu'il se faisait pincer avec le double de la limite légale d'alcool. Avant cela, il avait déjà été condamné trois fois pour conduite avec facultés affaiblies. La poursuite a donc demandé que son camion soit confisqué.

Le juge a refusé, au motif que l'homme de 62 ans, sans emploi depuis plus de 20 ans, n'aurait pas les moyens de s'en acheter un autre, alors que lui et sa conjointe en avaient besoin pour pouvoir faire leurs courses de base et se rendre à l'hôpital, à 20 minutes de chez eux.

Erreur, il fallait confisquer le camion, a rétorqué la Cour suprême. Le magistrat a accordé trop d'importance à la situation personnelle du coupable et pas assez à son casier judiciaire. Nous sommes heureux de l'entendre.

On se fait toujours dire que l'accès à un véhicule moteur est plus important hors des grandes villes, en raison des distances et de l'absence de transport en commun. C'est vrai. Sauf qu'une vie humaine a la même valeur en ville qu'en région. Elle devrait donc être aussi bien protégée des chauffards imbibés, même si ceux-ci doivent en subir des inconvénients.

Le jugement tombe à pic pour le ministre québécois de la Justice, qui vient de demander aux procureurs de réclamer la confiscation du véhicule dans toutes les causes de multirécidivistes de l'alcool au volant. Cette orientation, comme les autres présentées mardi, figurait déjà dans les directives à l'intention des procureurs. L'intervention de Bertrand St-Arnaud, surtout avec le coup de pouce du plus haut tribunal du pays, a néanmoins l'intérêt de renforcer le message.

Restent les cas où le message ne passe pas. Les nouvelles sanctions entrées en vigueur depuis l'été dernier (évaluation coûteuse dès la première récidive, interdiction d'immatriculer quelque véhicule que ce soit pour les multirécidivistes) devraient en retirer quelques-uns de la route. Mais il faudrait aussi qu'Ottawa modifie son Code criminel, afin que les chauffards en série incurables puissent être classés délinquants dangereux ou à contrôler.

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