Random House et Penguin veulent s'unir pour mieux se défendre sur le front numérique. S'ils sont les premiers poids lourds de l'édition à tenter ce mariage de raison, ils ne seront pas les derniers.

Random House et Penguin figurent parmi les six plus gros éditeurs de livres au monde. Fusionnés, ils prendraient la tête du peloton. Il y a effectivement des discussions, ont confirmé jeudi leurs propriétaires respectifs, les groupes Bertelsmann et Pearson.

Auteurs, agents littéraires et libraires ne sautent pas de joie, on s'en doute. Les premiers s'inquiètent de la diminution du nombre de portes où aller sonner et faire monter les enchères. Les derniers n'ont pas envie qu'une si grande part de leur chiffre d'affaires dépende d'un seul fournisseur.

Un tel développement était pourtant prévisible, et pas seulement parce que la tendance est aux regroupements et à la concentration. Les géants de l'édition, aussi imposants soient-ils, sont profondément déstabilisés par l'essor du livre numérique

Les lecteurs francophones ne réalisent peut-être pas l'ampleur du phénomène tant la disponibilité des livres électroniques en français demeure limitée. Mais dans le monde anglo-saxon, la popularité des formats numériques a complètement bouleversé les règles du jeu.

Les déboires de l'édition rappellent ceux, vécus quelques années plus tôt, par l'industrie du disque. Le principal problème, cette fois, ne vient pas du piratage, mais d'une entreprise légitime: Amazon. Ses politiques de bas prix sur les versions numériques, qui ont tellement contribué aux ventes du Kindle, la liseuse d'Amazon, et des livres électroniques en général, sapent la rentabilité des grosses maisons d'édition traditionnelles.

L'empressement avec lequel certaines se sont jetées dans les bras de l'iBooks Store, en 2010, donne la mesure de leur désarroi. Pour venir à bout de la politique de prix à 9,99$ pratiquée par Amazon sur les versions numériques de leurs gros canons, cinq d'entre elles se sont entendues avec Apple pour faire remonter ces prix à 12,99$ et 14,99$. Douteux? C'est ce qu'a conclu le département de la Justice américaine, qui a poursuivi tout ce beau monde. Trois éditeurs ont réglé, mais les deux autres, dont Penguin, ont décidé de tenir leur bout.

Presque un Américain sur six (16%) a lu au moins un livre numérique l'an dernier, a indiqué hier le Pew Research Center. Et contrairement à ce qu'on pourrait croire, la croissance de ce marché n'est pas tributaire des ventes de liseuses et de tablettes électroniques. Près de 40% des lecteurs de plus de 30 ans dévorent leurs bouquins numériques sur ordinateur, le quart le font sur cellulaire. Et ces habitudes sont encore plus répandues chez les moins de 30 ans.

La pression du livre électronique, on le voit, va aller en s'intensifiant. Tout comme le désir des éditeurs de s'unir pour y faire face. Que le mariage Penguin-Random House se fasse ou non, il y aura bientôt d'autres candidats au pied de l'autel.

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