Une campagne électorale, on le sait, est le pire moment pour discuter de problèmes complexes. C'est particulièrement vrai en santé, où les partis prétendent régler les problèmes d'accès sans remettre en question le rôle des médecins dans l'équation.

Après neuf ans de promesses libérales non tenues sur les urgences, les Québécois ont compris que la solution est ailleurs. Que pour décongestionner l'hôpital, il faut renforcer la première ligne. C'est ainsi que le médecin de famille est devenu la promesse électorale numéro 1 en santé.

Non sans raison. À moins d'arriver gravement accidenté à l'urgence, le malade se rend vite compte qu'il existe deux classes de patients. Ceux qui ont un médecin de famille, et les autres. Les premiers ont une porte d'entrée dans le système. Les autres doivent faire la file (au sans rendez-vous), allonger quelques billets (à un médecin désengagé) ou passer par le côté (l'urgence). Pas le choix, car l'omnipraticien demeure le douanier incontournable pour accéder à la plupart des services - prescriptions, tests, spécialistes, formulaires, etc..

Les candidats peuvent ergoter sur les chiffres tant qu'ils veulent. La vérité, c'est que dans le modèle actuel, on n'aura jamais assez de médecins de famille. Inutile de lorgner le temps qu'ils consacrent aux hôpitaux, ceux-ci ne sont pas à la veille de pouvoir se passer d'eux.

Construit autour et en fonction des médecins, notre système est à la merci de leur disponibilité. Les omnis eux-mêmes en pâtissent lorsqu'ils doivent trouver des spécialistes pour leurs patients. Qu'ils aient à quémander ces rendez-vous comme des faveurs, gaspillant un temps précieux qui leur permettrait de voir d'autres malades, dépasse l'entendement.

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Dans plusieurs juridictions, d'autres acteurs, dont les infirmières et les pharmaciens, peuvent rendre des services réservés ici aux médecins. Au Québec, malgré la crise qui dure depuis tant d'années, le système repose encore presque entièrement sur les professionnels de la santé les plus longs et les plus coûteux à former. Et on s'étonne qu'il en manque?

Le PQ promet de donner un rôle plus important aux infirmières. La CAQ de soutenir les omnis selon le modèle des groupes de médecine de famille (GMF). Le PLQ, qui a entrouvert la porte aux infirmières praticiennes spécialisées et à un plus grand rôle des pharmaciens, ne pousse pas plus loin dans cette voie. Toutefois, aucun des principaux partis ne remet en question la logique «médecin-centrique» actuelle. Seul QS insiste sur l'importance de mettre à contribution les autres professionnels de la santé «outre les médecins».

Miser sur une solution simple, comme le médecin de famille, est une stratégie efficace en campagne. Après les élections, c'est autre chose. Le prochain ministre de la Santé ne pourra le nier: les problèmes d'accès seraient bien moindres si le système avait davantage de portes d'entrée.

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