La sécheresse qui ravage les États-Unis fait ressortir plus que jamais l'absurdité d'utiliser du maïs-grain pour fabriquer de l'éthanol.

La concurrence entre l'alimentation et le carburant inquiète le grand patron de l'agence de l'ONU pour la l'alimentation et l'agriculture (FAO). La suspension immédiate des exigences américaines sur la teneur en éthanol dans l'essence rendrait plus de maïs disponible à l'alimentation, plaidait récemment José Graziano da Silva dans le Financial Times.

Ce n'est malheureusement pas si simple. Environ 40% de la production américaine de maïs-grain sert à fabriquer l'éthanol nécessaire pour répondre aux normes de l'Agence de protection environnementale (EPA). Les États-Unis ont le bras dans le tordeur : des employés d'usines aux agriculteurs en passant par les camionneurs qui amènent le grain, la fabrication d'éthanol fait vivre beaucoup de monde. Des emplois que personne ne veut voir disparaître dans ces régions rurales.

Les agriculteurs pourraient vendre leur production ailleurs, mais leurs coûts de transport seraient plus élevés. Et surtout, ils n'ont pas envie de voir les prix baisser.

Sauf qu'en cet été 2012 où la pire sécheresse en 50 ans brûle la future récolte et enflamme les prix, l'éthanol n'est plus un soutien, mais une nuisance.

Les États qui vivent de l'élevage, comme la Caroline du Nord, l'Arkansas, le Maryland et le Delaware, demandent à l'EPA de mettre la pédale douce sur la teneur en éthanol. Les États producteurs de maïs-grain, comme l'Iowa ou le Nebraska, et le lobby de l'éthanol, ne veulent rien entendre.

Le plus ironique, c'est que les fabricants d'éthanol sont eux aussi affectés par cette flambée des cours qu'ils contribuent à aggraver. Plusieurs usines ralentissent leur production, quelques-unes ont même fermé.

C'est la deuxième crise que traverse cette industrie en moins de cinq ans. La chute des prix du prix de l'essence, en 2008-2009, avait acculé plusieurs usines à la faillite. Le modèle, déjà injustifié du point de vue de l'environnement et discutable au plan économique, est aussi d'une fragilité inquiétante.

Les raffineurs disposent de crédits qui leur permettraient d'utiliser moins d'éthanol dans leur carburant cette année. Mais on ignore dans quelle mesure ils se serviront ce joker prévu par la réglementation et, donc, quel volume de grain serait libéré pour l'alimentation.

Pour l'instant, la récolte s'annonce 13% inférieure à l'an dernier, et les prix ont bondi de plus de 50% depuis juin.

Le problème va bien au-delà des frontières puisque les États-Unis sont, de loin, les gros exportateurs de maïs-grain. Ils ne sont évidemment pas responsables de la sécheresse qui ravage leurs récoltes. Ils devraient cependant avoir la décence de ne pas gaspiller davantage de ces précieuses céréales dans leurs véhicules.

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