L'administration du Marché Jean-Talon se retrouve plongée par sa faute dans une controverse invraisemblable. Qu'attend-elle pour rectifier le tir?

Le plus important marché à ciel ouvert d'Amérique du Nord s'attire des tomates, et pas que sur ses étals. Des consommateurs mettent en doute la provenance des produits vendus comme québécois, la grogne fait même l'objet d'une pétition. À 24 heures du lancement de la Semaine des marchés publics, on fait difficilement pire comme publicité.

La Corporation de gestion des marchés publics de Montréal n'avait pas prévu une telle réaction en chaîne lorsqu'elle a décidé, après des années de tolérance, d'appliquer son règlement sur limites des emplacements loués. La tempête, il faut le reconnaître, était imprévisible. Mais elle aurait pu être évitée. Hélas, on a fait tout le contraire.

Quel résultat pensait-on obtenir en infligeant 200$ d'amende par jour à une ferme familiale dont le camion excède le tracé de 60 cm? Tout ce qu'on a réussi à récolter, c'est l'indignation des clients les plus attachés au marché. On aurait voulu se tirer dans le pied qu'on n'aurait pas mieux visé.

Les propriétaires de la Ferme Jacques&Diane ne voient pas d'autre solution que de s'acheter un autre camion - une dépense considérable dont ils se seraient bien passés. IIs demandent donc un sursis jusqu'au début de la saison 2013. Pourquoi ne pas le leur accorder? C'est un compromis honorable qui permettrait de mettre un terme à ce délire.

Le caractère du Marché Jean-Talon est mis à rude épreuve depuis quelques années. Sa modernisation, tout comme la piétonnisation des ruelles limitrophes, a transformé l'offre, les prix et la clientèle. La piétonnisation de la rue Shamrock, envisagée par l'arrondissement pour relier le marché à la Petite-Italie, risque encore de renforcer cette tendance.

Le marché y gagne en affluence et les clients, en variété. Mais il ne faut pas perdre de vue sa mission originale, qui est de permettre aux agriculteurs de vendre directement aux consommateurs, et à ceux-ci de leur acheter des produits frais sans intermédiaire. Cet aspect de la chose n'est ni folklorique ni décoratif: c'est la base même d'un marché public. C'est aussi l'ingrédient le plus fragile.

Plusieurs petits marchés sont apparus au Québec ces dernières années. Il pourrait y en avoir bien davantage, car la demande est là. La difficulté, c'est de recruter des agriculteurs. Le marché Jean-Talon a la chance d'en avoir quelques-uns de longue date. Est-ce que leur façon de fonctionner pose des défis logistiques particuliers? C'est possible. Mais quand on s'appelle Corporation de gestion des marchés publics, ces défis-là ne devraient pas être insurmontables.

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